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jeudi 3 mars 2016

CE QU’IL ME SEMBLE UTILE DE DIRE AUX BURKINABES…




LE REVE REVOLUTIONNAIRE BURKINABE … TOUJOURS VIVANT

Le Burkina Faso vient de connaître des élections présidentielles dont le caractère exemplaire mérite d’être salué. Ces élections témoignent s’il en était besoin, de la maturité et du patriotisme du peuple Burkinabè longtemps sevré de la veine démocratique impulsée par l’idéologie révolutionnaire prônée par Thomas SANKARA.

            Pendant vingt sept ans, avec l’aval et le consentement de la France qui, comme cela est de coutume, drainait dans son sillage quelques pays francophones d’Afrique de l’Ouest et de manière opportune, la Lybie de Mouammar Khadafi, le Président du Faso, issu du coup d’état du 15 Octobre 1987, M. Blaise COMPAORÉ a tenté d’imposer un nouveau paysage politique au peuple Burkinabè.

            Tant bien que mal, il s’est employé, du moins artificiellement, à déconstruire la mémoire de Thomas SANKARA dont la figure emblématique était le modèle à suivre pour une large frange de la jeunesse africaine subsaharienne.

            C’est au demeurant ce qui justifie vingt sept ans plus tôt, que de nombreux africains de tous bords aient vécu dans la douleur, l’émoi et l’exaspération, l’annonce le 15 Octobre 1987, de l’assassinat du Président du Faso, le capitaine Thomas SANKARA.

            « Les héros ne meurent jamais » affirme-t-on parfois de manière dilettante, sans trop y croire ; tant l’actualité envahissante, pressante et fugace concourt à l’anesthésie de la pensée et à la dérision de toute action. Toutefois, l’oppression fulgurante des médias en imposant l’instant, est-elle parvenue à tuer « le temps du souvenir » ?

            Le souvenir du crime odieux perpétré il y a vingt sept ans brisait de facto le rêve d’une génération croissante d’africains épris de liberté et acquis à l’idée que de nouveaux horizons étaient possibles. L’assassinat de l’icône de la révolution démocratique burkinabè hante vingt sept ans après l’esprit, la mémoire et l’imaginaire tant de ceux qui ont connu le capitaine Président du Faso, que de ceux qui ont découvert la pertinence de son idéologie, la clarté de sa vision et la noblesse de ses visées révolutionnaires.

            Le jeune capitaine, Président du Faso, Thomas SANKARA nourrissait un grand dessein pour l’Afrique et le Burkina Faso lui servait de « Laboratoire d’expérimentation ». Peut-on lui reprocher l’impétuosité de la Jeunesse ? Admettons-le. Reconnaissons-lui cependant, une manière de générosité dans l’effort, un courage hors norme, une sagacité qui avait pour socle « la pensée et l’action révolutionnaires ». Sa capacité de mobilisation des forces vives du Faso, lorsque venait le moment de passer des concepts à leur application,  résidait dans une démarche unique et probablement inégalée d’autocrédibilisation du discours révolutionnaire, démocratique et populaire, mis à la portée du plus grand nombre, grâce à son étincelante clarté pédagogique.
            Saint-Exupéry ne relevait-il pas fort à propos : « La vérité c’est ce qui simplifie ». Là est, nous semble-t-il, la clé qui ouvrait au capitaine, Président du Faso, la porte des cœurs de ses concitoyens Burkinabès et bien au-delà, faisait sauter les verrous arrimés aux « chaînes  de l’esclavage mental et comportemental » auquel l’Occident continue de soumettre les pays africains.
           
            Comme partout en Afrique où l’ordre colonial est indexé, dénoncé, secoué « aux fondations »  ou ébranlé « aux fondements », des forces tapies à l’ombre se lèvent au mieux pour déclarer « la guerre aux mouvances nationalistes et patriotiques », au pire, pour participer activement à leur « mise à mort ». Les métamorphoses subtiles du « Code noir » dont l’esclavage et la traite négrière constituent les invariants métaphoriques, se sont  affinés au fil des siècles à travers la colonisation, le néocolonialisme, les économies de rentes africaines, les pseudo-démocraties, « le tonneau des danaïdes » de la dette des pays africains, les simulacres de l’aide au développement, l’épouvantail du syndrome sécuritaire.

            L’ordre, entendez « celui de la défaite », se devait d’être restauré. Il le fut le 15 octobre 1987, par l’assassinat de Thomas SANKARA.

            Est-il, pour autant, possible d’affirmer, de conjecturer ou de préjuger aujourd’hui  que le Peuple Burkinabè ne s’est pas approprié les enseignements révolutionnaires tout comme la vision de son leader ?

            Au cours des années 2014, 2015 et en ce début d’année 2016, les Burkinabès n’ont-il pas su apporter la preuve qu’au « pays des Hommes intègres », il existe un creuset de valeurs morales, civiles et patriotiques auxquelles il reste viscéralement attaché ?                                 

            Certes, vingt sept ans durant, les Burkinabès se sont complu ou résigné à la « Rectification de la Révolution (Démocratique et Populaire) sous l’égide du Président du Faso, M. Blaise COMPAORÉ dont il convient de rappeler qu’il fut le frère d’armes et compagnon de lutte de premier rang du « Cercle restreint » du capitaine Thomas SANKARA. Vingt sept ans au cours desquels, troquant l’uniforme de l’armée pour le costume occidental, le Président du Faso, issu du coup d’état du 15 octobre 1987, M. Blaise COMPAORÉ, encouragé et soutenu par les institutions internationales, éperonné par la France, adoubé par quelques uns de ses Pairs Ouest-africains, s’est ingénié à implémenter un « nouveau paysage politique » tout en s’efforçant « d’aseptiser le discours révolutionnaire de Thomas SANKARA ».

La tâche ardue de déconstruction de la mémoire de son prédécesseur à la Présidence du Faso  a-t-elle été conduite à son terme ?

Rien n’est moins sûr. Car, vingt sept ans ont paradoxalement contribué à densifier l’intérêt accordé à la disparition brutale d’une figure révolutionnaire dont la popularité au sein de la jeunesse du continent inquiétait les dirigeants des pays voisins, horripilait les thuriféraires de « la françafrique » qui veillent à ce que les régimes africains demeurent sous « coupe réglée ».

Devenu incontournable mais surtout incontrôlable du fait d’une popularité assise sur l’analyse politique lucide de la situation internationale, le jeune capitaine, Président du Faso jusqu’au 15 Octobre 1987, date fatidique de son assassinat, demeure par sa probité, son intégrité et sa clairvoyance un legs politique dont la dimension sacrificielle accroît au fil des ans l’impérieuse nécessité que les Burkinabès soient éclairés sur les circonstances de la mort de leur Leader.

            L’une des constantes anthropologiques, culturelles et même cultuelles veut qu’en Afrique, lorsque disparaît un de ses fils, notamment des plus dignes, l’éclairage sur les causes véritables de « son départ » se doit d’être  révélé afin que nul n’en ignore et que rassérénées, les familles puissent faire le deuil. Dans le cas d’espèce, le capitaine, Président du Faso, Thomas SANKARA est un digne fils du Burkina Faso, que la vision africaine considère comme sa famille. Son assassinat est en ce sens un fratricide en ce qu’il a été perpétré par « ses frères ». Au sein de la quinzaine de personnes qui constituaient « le commando » ayant  assiégé le Pavillon « Haute-Volta » du Conseil de l’Entente où se tenait une fois par semaine, le Secrétariat de la Présidence du Conseil National de la Révolution (CNR), se trouvaient indubitablement des Burkinabès. De nombreux témoignages recoupés le confirment.

            Pendant vingt sept ans, le cauchemar de « la classe politique post-Sankara » aura été « l’ormeta » imposée aux revendications visant que la lumière soit faite sur l’assassinat de leur Leader.

            Or, bien que déclinée au présent, l’actualité épouse d’une certaine manière l’histoire en ce qu’elle parvient quelques fois à scénariser le passé pour ramener au « goût du jour » les évènements que l’on a maintenu « sous la chape de plomb du silence ».

LA GERMINATION SOUS LE BOISSEAU DE LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE BURKINABE

            Le soulèvement populaire qui a contraint le Président Blaise COMPAORÉ à démissionner et à s’astreindre à l’exil, a dans le même temps rappeler au souvenir du Peuple Burkinabè, sinon l’urgence, du moins la nécessité que ceux qui ont ôté la vie au capitaine Thomas SANKARA, alors Président du Faso, soient jugés et répondent de leur forfait comme de l’exécution de la douzaine de personnes dont BOUBAKARI KABORE dit « le lion du Burkiemde » affirme, dans une interview-accordée à « Courrier confidentiel » au lendemain de la marche de Juin 2014 contre la création du SENAT : « Je sais que ce sont les prisonniers de la MACO qu’ils ont envoyés enterrer SANKARA et les douze autres personnes tuées. Les enterrements ont eu lieu de 21h à l’aube. Ce n’est pas facile de creuser treize tombes ».

            Les évènements troublants qui ont ébranlé la fin de la transition Burkinabè, notamment le coup d’Etat du régiment de la sécurité présidentielle, corps d’élite au Burkina-Faso et garde prétorienne de M. Blaise COMPAORÉ, sont autant d’exactions ayant prescrit aux Burkinabès « le devoir de révolte ». Le potentiel insurrectionnel du peuple Burkinabè s’est une nouvelle fois manifesté à l’encontre « des fauteurs de trouble » et autres « nostalgiques de l’ère COMPAORÉ ».

            Le peuple est descendu, les mains nues dans la rue pour exprimer sa désapprobation et réclamer de vive voix le rétablissement de la transition qui avait en charge, l’organisation des élections libres et démocratiques au Burkina Faso. Avec bravoure et patriotisme, les Burkinabès ont démontré aux yeux du monde leur attachement à la légalité ainsi que leur ardente volonté de changement. L’armée loyaliste est venue mettre un terme à « l’imposture ».

            La médiation sénégalaise qui tentait de ménager « la chèvre et le chou » à tort ou à raison, a été conspuée. Elle a cependant permis de faire espérer au Général Gilbert DIENDÉRÉ et aux putschistes qu’ils seraient débarrassés de poursuites judiciaires, alors  qu’à l’occasion de leur « coup de force », ils ont attenté à la vie des manifestants semant à nouveau la mort, l’effroi et la confusion. Une fois de plus, le Peuple Burkinabè a fait sienne l’apophthegme révolutionnaire Sankariste : « La patrie ou la mort, nous vaincrons ».

            Vingt-sept ans après la mort de Thomas SANKARA, vingt sept ans durant lesquels Blaise COMPAORÉ a présidé « d’une main de fer » aux destinées du Burkina Faso, vingt sept ans au cours desquels les Burkinabés ont été muselés, bâillonnés, vingt sept ans n’ont donc pas suffi à effacer de la conscience collective Burkinabé, la mémoire de Thomas SANKARA, encore moins à anéantir l’élan insurrectionnel du Peuple Burkinabé.
« le grain semé de la révolution démocratique et populaire a germé sous le boisseau ». Le peuple a conservé vingt sept ans durant, sa fierté et sa dignité dans l’adversité. Il rend de ce fait, un hommage mérité à la mémoire de Thomas SANKARA, pour lequel il réclame aujourd’hui que la lumière soit faite sur les circonstances de son assassinat ainsi que sur l’exécution de ceux des membres les plus influents qui ont cru sous le régime de M. Blaise COMPAORÉ que la révolution allait continuer.

            De lourdes présomptions de culpabilité pèsent sur l’ex-Président Blaise COMPAORÉ ainsi que sur son Chef d’Etat Major particulier, Gilbert DIENDÉRÉ, décoré de la légion d’honneur en mai 2008 par le Président Français de lors, Nicolas SARKOZY.

Vingt sept ans durant, les dirigeants du Burkina Faso ont réduit au silence toute velléité d’instruction d’un procès qui, à bien des égards, eût pu déclencher la résurgence des rancœurs, des ressentiments voire, accabler M. Blaise COMPAORÉ et sa garde rapprochée d’une kyrielle de torts dont ils sont loin d’être exempts.

            « Qui ne dit mot consent » a-t-on coutume en pareilles circonstances d’entendre. Le « mutisme assourdissant » adopté par la classe dirigeante Burkinabé au sujet de l’assassinat de Thomas SANKARA en dépit des pressions intérieures et extérieures réclamant justice, pourrait s’apparenter à « un aveu de culpabilité ».

            Maintenant que le Peuple Burkinabè s’est opposé à la révision de la Constitution qui eut permis au Président Blaise COMPAORÉ de candidater à une nouvelle mandature présidentielle ; maintenant qu’il a contraint ce dernier, par une mobilisation de grande envergure à se démettre de ses fonctions et à se résoudre à l’exil, maintenant qu’il s’est refusé à ce que des voix discordantes biaisent ou pervertissent « sa révolution », rattrapant le calendrier des élections législatives et présidentielles auparavant mises en péril ; voici venu le temps que justice soit rendue, afin que l’Histoire retienne et que le Peuple se souvienne.

            Le devoir de mémoire commande en effet, que la vérité éclaire d’un jour nouveau les circonstances de l’assassinat de Thomas SANKARA, tout comme il prescrit que soit levé un pan de voile sur l’histoire politique du Faso que l’un de ses prodigieux fils a tenté d’écrire en même temps que « ses bourreaux » d’il y a vingt-sept ans.

            Faut-il rappeler au souvenir la phrase sibylline prononcée par M. Blaise COMPAORÉ, vingt sept ans plus tôt, lorsque sa responsabilité sur l’assassinat de « son frère d’armes », Thomas SANKARA, était invoquée :

« C’était lui ou moi » ?

            Thomas SANKARA ne voulait pas de la mort de « ceux de son cercle » qui se destinaient à attenter à sa vie. Le Capitaine Boukari KABORE, commandant du Bataillon d’Intervention Aéroporté (BIA) de Koudougou, sous la révolution est formel. Il affirme en avoir discuté avec le Président du Faso (PF) de son vivant. Thomas SANKARA soutenait en substance ceci : « les termes sont clairs : si nous arrêtions ceux qui voulaient réaliser le forfait, ce serait mal interprété. On dira que ce sont les leaders de la révolution eux-mêmes qui sont en train de tuer la révolution. Ce serait vraiment un très mauvais exemple ». Il renchérissait, un peu pour montrer sa claire détermination à l’opposé de la phrase sibylline de son numéro deux, devenu président, après le violent assassinat du leader :

« laisse-les nous tuer ; les gens parleront de nous demain ».

LA FALSIFICATION DE L’ADN DE L’EMANCIPATION DES PEUPLES AFRICAINS : UNE PREOCCUPATION CONSTANTE DE L’OCCIDENT

            A la question de savoir si Thomas SANKARA se serait débarrassé de M. Blaise COMPAORÉ au soir du 15 Octobre 1987 à 20 heures comme certaines thèses, y compris celle du désormais ex-Président, l’ont laissé penser pendant vingt sept ans, la réponse milite pour la négative.

Non, il n’en avait ni l’intention, ni la conviction. Cependant, des zones d’ombre demeurent qui méritent d’être dissipées.
           
            Le  peuple Burkinabé dont le patriotisme, la vigilance et la maturité politique se sont révélés au grand jour, a le devoir de se réconcilier avec son histoire politique pour mieux se l’approprier et tracer la voie qu’arpenteront les peuples pour une Afrique qui grâce à la vérité et la justice, sait aussi accorder son pardon à ses fils.

            Tel est en filigrane le point focal de ce qu’il me semble utile de dire aux Burkinabès.

            Procédons avec votre permission à un exercice consistant à remonter avec délicatesse et prudence, le cours de l’histoire, pour tenter d’esquisser, et peut-être dépoussiérer ce qui, par bien des aspects, serait « la genèse du rêve révolutionnaire brisé de la jeunesse africaine ». Un rêve porté par un leader charismatique qui « dérangeait », « embarrassait » au point d’« excéder » l’oligarchie gardienne des intérêts oligopolistiques de la France en Afrique. Admettons pour cela une série d’hypothèses qui cristalliseraient l’idée que « la politique est d’une tragique cruauté », qu’elle est dépourvue de la morale universelle déclamée par les âmes bien-pensantes du monde civilisé, qu’elle pratique « l’assassinat politique » tout en stigmatisant au nom des droits de l’Homme, le crime politique, elle légitime les criminels politiques sous le prétexte qu’ils libèrent  les peuples d’un péril visible à leurs seuls yeux.

            Souvenons nous pour cela que nos hypothèses pourraient relever d’un scénario de science-fiction, mais qu’elles ont leur ancrage dans le dessein tragique auquel l’occident destine l’Afrique. Elles se déclinent comme suit :
           
            Si par une manière d’ironie dont seuls l’histoire et le destin détiennent le secret, les évènements avaient été savamment orchestrés pour interrompre brutalement, tant la révolution prônée par Thomas SANKARA que le cours de l’existence de tous les lieutenants de son cercle rapproché, et, qu’une partie de ce cercle avait conçu le dessein de « ne pas disparaître au nom de la révolution » et à ce titre, s’est chargée d’accomplir « la douloureuse et ingrate besogne » d’ôter la vie à « son leader en même temps qu’à celle de ses « lieutenants » les plus irascibles » ;

            Si « cette douloureuse et ingrate tâche » avait été commanditée par ceux qui ne s’accommodaient plus des idées que claironnait sous la révolution, le jeune capitaine Président du Faso et que, poussée à ses derniers retranchements, « cette partie dissidente du Cercle » ait été contrainte à l’épineux choix, soit de mettre un terme à l’effet d’entrainement que suscitait le discours véhément de Thomas SANKARA, lequel semait dans les sillons de la pensée et de l’action des peuples africains les graines de la colère, de la révolte et de l’émancipation, soit alors « crever »  avec lui, en même temps que son idéologie insurrectionnelle ;

            Si les Institutions Financières Internationales avaient inélégamment été mises en index dans « la construction du discours sankariste » qui vouait aux gémonies les intérêts occidentaux généralement préservés par les Etats Africains, il est fort à envisager dans un tel contexte, que des voix de tous bords, outrancièrement remontées, se soient élevées pour exiger que soit exhumée la semence dont la germination au sein de la jeunesse africaine subsaharienne enracinait progressivement le discours idéologique du capitaine, Président du Faso.

S’il était permis de supputer la répétition de l’histoire, pour légitimer les hypothèses émises plus haut. Lesquelles ont par le passé prospéré, sous l’incitation, l’action et l’appui des anciennes « puissances impérialistes » qui veillaient de ce fait, au maintien du « statut quo ante » et à la permanence de la soumission de leurs anciennes colonies, au quel cas, il ne serait pas absurde d’admettre à nouveau que « l’oligarchie occidentale qui tire les ficelles du monde » ait pu tout mettre en œuvre, afin que « l’ADN de l’émancipation légitime des peuples africains, soit contrarié, contrefait, contredit, défait à travers la disparition d’une icône de la jeunesse africaine ».

            Et si ceux-là mêmes qui n’ont aucun intérêt à ce que l’Afrique puisse « changer le logiciel de la défaite infligée historiquement » par un savant travestissement de la dignité des hommes noirs, veillent au maintien dans l’inconscient collectif de la fatalité de l’histoire ; si ces « apories idéologiques » d’un âge d’autant plus révolu qu’elles font aujourd’hui figure de préceptes civilisationnels éculés mais prompts à asseoir auprès des Chefs d’Etat africains qui conduisent le dessein des peuples et le destin des nations africaines, le sentiment et la conviction que « rien n’est possible sans les anciens maîtres » qui, dans le cas d’espèce, ne furent et demeurent que « des prédateurs », alors, il pourrait être trouvé une explication « à l’assassinat historique » de la dignité noire que pérennise l’occident dans la conscience collective africaine.

Si, pour l’heure, il était une fois de plus question au-delà d’instruire un procès visant l’éclairage sur l’assassinat de Thomas SANKARA, de « renier le caractère exemplaire du sursaut démocratique » des Burkinabés en « détricotant » à l’aide  des subterfuges « de la terreur», le socle encore fragile du nouveau gouvernement mis en place par Roch Marc Christian KABORÉ, président démocratiquement élu de la République du Burkina Faso ; alors quelques questions surgiraient au premier rang desquelles ;

            Qui a intérêt à ce que le Peuple Burkinabé ne se réconcilie pas avec son histoire récente pour mieux la capitaliser ? La réponse coule de source : « Ceux qui se sont jurés à l’ombre des pseudo-démocraties africaines de n’en faire  que des proto-démocraties ».

L’occident a-t-elle besoin de véritables démocraties en Afrique ? Non.
A l’heure des turbulences accidentelles ou provoquées, Pourquoi veille-t-on à ôter aux peuples africains dont l’hospitalité, la tolérance, l’endurance, la résilience ont traversé le temps, l’aptitude qu’ils sont aussi capables de pardon, de réconciliation des cœurs et des esprits ?

            N’est-ce pas poursuivre, dans une telle optique de refus, l’entreprise de sécularisation « du mensonge historique » tenace qui veut que rien de digne ne peut émaner et perdurer au sein de la race noire ?

            S’il peut être jugé « trivial » de ramener le débat à la question raciale, c’est bien parce que le monde global actuel semble incapable de se départir de « l’unipolarisation de la parole et de la pensée  blanches ». Sinon, comment expliquer qu’après l’inculpation du Général DIENDÉRÉ « des forces de l’ombre »  puissent par des attentats terroristes, tenter de soumettre le Burkina Faso en plein cœur de sa capitale Ouagadougou à l’insécurité, à la frayeur et à la perte de ses fils ?

LE MODELE  REVOLUTIONNAIRE BURKINABE :  UN  HERITAGE A  CONSOLIDER…

Notre humble avis est qu’il convient de ne pas être distrait et parachever le processus d’exemplarité de la nouvelle démocratie Burkinabè. Comment ?

Tout simplement en recontextualisant le processus démocratique Burkinabè dans la linéarité historique du sort réservé aux peuples africains qui ont vu leur rêve d’émancipation brisé et leur espoir de libération assassiné par les réseaux occidentaux ainsi que l’instrumentalisation par ces mêmes réseaux, des fils de l’Afrique astreints à devenir gardiens des intérêts occidentaux au détriment du bien-être et de la prospérité de leur peuple. Cette recontextualisation doit marquer un temps d’arrêt sur un questionnement qui nous a traversé l’esprit et qui se résume partiellement à l’idée que si d’aventure, les présumés coupables de l’assassinat de Thomas SANKARA pour lequel le peuple crie « Justice », avaient historiquement épargné au Peuple Burkinabé par la mort de Thomas SANKARA, le carnage, les affres de l’ingouvernabilité et de la misère destinés à le punir de l’affront causé par la remise en question des intérêts occidentaux, alors ce serait probablement ouvert le cycle infernal de la décadence et de la dégénérescence du Burkina Faso.

Cette « hypothèse catastrophe » mérite d’être examinée ou prise en considération lorsqu’on sait, de récente mémoire, le sort réservé à la Guinée de Sékou TOURE suite au Non infligé au Général de Gaule en 1958 … Les nationalistes africains, les idéologues d’une Afrique libre, les Panafricanistes de tous bords et à toutes les époques ont toujours été ainsi que leur tête de proue, des cibles à abattre.

Encore une hypothèse qui légitime « le logiciel de la défaite », me diriez-vous. Admettons. Convenons tout de même qu’elle ne justifie en aucun cas la violence inouïe et l’indécence contraires aux mœurs de l’Afrique profonde, avec lesquelles les fils de l’Afrique ont pu mettre un terme à la vie de leur frère et leader admiré, jalousé peut-être pour  sa popularité, trop intègre et trop sobre, à  leur grand regret.

L’INTEGRITE, LA SOBRIETE, L’HONNETETE ET LA SINCERITE SERAIENT-ELLES INCOMPATIBLES A LA POLITIQUE ?

            Pourquoi seuls ceux qui trahissent leur peuple, pratiquent le mensonge, pillent à tout vent, spolient les pauvres, bâillonnent leur presse, pour s’offrir servilement à l’occident et assurer ses intérêts, sont « blanchis », célébrés, légitimés par « le même maître » qui leur donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre, le tout dans le dos du peuple opprimé, et au besoin, brutalement mis à l’écart ?

            La question est assurément rhétorique puisqu’elle contient in fine sa réponse.

            Nous sommes enclin et même conforté à penser que le Peuple Burkinabé est aujourd’hui en mesure d’instruire un procès exemplaire au cours duquel la vérité prévaudra sur « le mensonge occidental » et les manipulations de tous ordres. Il faut pour cela qu’il soit débarrassé des passions, des ressentiments, de l’esprit de vindicte que l’occident dans des circonstances identiques, sait susciter.

La littérature du siècle antérieur de même que celle de ce début de 21ème siècle, regorgent à foison d’exemples de « Présidents africains d’opérette marionettisés par l’occident » pour servir ses intérêts pendant quelques décennies et, le temps d’après, vouer ceux-là mêmes qu’il adulait, « à la vindicte populaire ».

            L’Afrique doit dire non à « cette instrumentalisation éhontée de ses fils », non, à leur condamnation sans appel ni recours, non à leur exil qui prive l’Afrique à la fois de « leur part de vérité » et de « leur devoir de « battre leur coulpe », et recevoir de leur peuple le « pardon ».

            On n’est pas politicien impunément. Tout politicien est confronté à la cruauté de sa fonction, à la nécessité au détriment de la morale, au pragmatisme au détriment d’un quelconque angélisme, ou d’un idéalisme apparenté à la faiblesse.

            Le peuple Burkinabé n’est pas dupe. Il n’ignore pas que les minerais de son sous-sol au premier rang desquels, l’or, générerait, selon les évaluations faites par le régime de M. Blaise COMPAORÉ, 700 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires. Il n’ignore pas que ces minerais constituent l’enjeu majeur qui guide les intérêts de la France au Burkina Faso.

            Il sait pertinemment que ce sous-sol, pendant vingt sept ans, n’a contribué qu’à enrichir « l’élite kleptocrate » du Faso, « la bourgeoisie administrative disetteuse », aux rênes de l’appareil d’Etat du Burkina, à accroître les privilèges exorbitants de « la féodalité Burkinabè », « à alimenter le trésor de la France et de ses  multinationales prédatrices » ; à tolérer le pillage des richesses du pays par le Président du Faso et son entourage familial.

            Toutes choses qui sous la révolution de Thomas SANKARA eurent été impensables, en tout cas, rendues impossibles. Dans sa clairvoyance, le Jeune Capitaine, Président du Faso, avait privilégié dès 1983, « la bataille agricole pour la sécurité et l’autosuffisance alimentaire, comme la priorité des priorités dans le programme de développement burkinabè ». Il confiait à ce sujet au cours d’une interview accordée au Journal « El-Moudjahid » le 12 mars 1985 :

« Nous avons, en matière d’agriculture, trois stades à atteindre : la sécurité alimentaire, l’autosuffisance alimentaire et enfin la puissance alimentaire. Au premier stade, il s’agit de faire en sorte que chaque Burkinabé puisse avoir quelque chose à manger, quelle que soit l’origine de cette production alimentaire. Nous avons invité nos compatriotes à cultiver des champs et à réaliser des magasins pour stocker leur production céréalière, ce que nous appelons ici des banques céréalières. Concernant l’autosuffisance alimentaire, nous sommes en train de retenir le maximum d’eau de ce pays. Tout ce qui tombe comme goutte d’eau au Burkina est recueilli pour être utilisé. L’eau est précieuse, plus précieuse ici qu’ailleurs, c’est pourquoi nous avons lancé la construction de 250 petits barrages. Ces retenues d’eau sont sans prétention en comparaison de ce qui se fait ailleurs comme barrages. Les paysans, mains nues font des excavations, amènent de la terre des cailloux pour retenir l’eau pluviale qui peut servir trois à cinq mois dans l’année. Pour les grands projets nationaux d’aménagement de terres, tels ceux du Sourou, du Kompienga, Bagri, nous essayons de valoriser des surfaces cultivables autour des grandes retenues d’eau.

            Pour la troisième étape relative à la puissance  alimentaire, définie dans notre plan, quinquennal, nous comptons développer la production d’engrais de manière à régénérer nos terres, en vue d’en assurer un objectif : subvenir à nos bassins, faire fonctionner nos petites industries de transformation et exporter nos produits. Faire  de la purée et du concentré de tomate, réaliser des jus de fruits et conserver les haricots verts. Tout cela exige que nous puissions produire suffisamment pour justifier l’installation d’unités  industrielles ».

            Ce long passage est à lui-seul édifiant de la formule  itérative scandée par le Président du Faso sous la révolution : « compter sur nous-mêmes ». Formule libératrice, formule incitative de toute action pragmatique assise sur l’appropriation des moyens existants, et l’efficacité vérifiable des résultats.  Formule progressiste dont « l’effet de halo » a été salvateur, à l’occasion de divers chantiers ouverts sous la révolution, de divers projets conduits sous l’égide des Comités de Défense de la Révolution (CDR), de nombreuses initiatives ayant mobilisé dans la ferveur, les populations burkinabés.

            Qui pouvait dès lors présumer que la libération du peuple Burkinabé serait hypothéquée par les privilèges de la féodalité confisquant les terres, une fois qu’elles ont été régénérées par les paysans ; que cette libération serait remise en cause par la fronde ouverte de l’intelligentsia, « petite bourgeoisie, jalouse de son bien-être privé », qu’elle serait contestée par la bourgeoisie bureaucratique, corrompue et vénale ? Le duo du quatuor à la tête de l’Armée Burkinabè et qui fera défection, sera lui-même partagé entre les idéaux lointains et exigeants de la révolution et la jouissance immédiate de la rente du pouvoir. Pourtant, aux yeux de Thomas SANKARA, l’armée avait besoin à sa tête d’une conscientisation révolutionnaire plus accrue, inspirée de sa propre « austérité ».

            Les guerres suscitées aux frontières du Mali, sous le Président Moussa Traoré, les malentendus orchestrés entre le Président du Faso et le Général Jerry Rawlings, la brouille devenue acrimonieuse entre le leader incontesté de « la Françafrique » en Afrique de l’Ouest,  le Président de la Côte d’Ivoire de lors, Houphouët Boigny, la désaffection provoquée auprès des voisins Ouest Africains, tels Lansana  Conté de la Guinée Conakry et Abdou Diouf  du Sénégal qui voyaient d’un mauvais œil, les jugements et condamnations de leurs compatriotes rendus coupables de malversations financières et détournements par les Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR), sont autant de faits, actions et manœuvres visant à ébranler la révolution, à la briser, ou à la retourner contre son instigateur.

            Chaque fois, le peuple Burkinabè en qui Thomas SANKARA avait mis toute sa confiance et qu’il avait promis de libérer, s’est spontanément mobilisé en première ligne pour défendre la Révolution et éviter que s’étende le péril.

            Le 05  juillet 1987, soit trois mois et dix jours avant sa mort, l’opiniâtreté, la foi de Sankara tout comme sa lucidité sont intactes, lorsque répondant à la question d’Ivoire dimanche venu sans doute s’enquérir de l’effet et de l’affect qu’ont pu avoir sur le Président du Faso, « les coups et l’ire de l’hydre impérialiste déchaîné » pour lui faire mordre la poussière : « Peut-on vraiment être révolutionnaire dans un pays aussi pauvre que le votre ? » « Oui » dira Thomas SANKARA « surtout dans un pays aussi pauvre que le mien ». Renchérira-t-il.

            Et à la question : « … la Révolution dans les pays pauvres, notamment africains, sera alimentaire ou elle ne sera pas.

Qu’en pensez-vous ? »

Sans coup férir le Président du Faso, sous la révolution aura cette réponse :
« Ce sont des visions sentimentalistes de la Révolution. La Révolution n’est pas qu’alimentaire. Car, qu’est-ce que l’aliment ? C’est le produit d’un travail. Nous n’arrivons pas à produire suffisamment pour nous nourrir parce que nos terres, de plus en plus pauvres, n’arrivent pas à être régénérées et parce que nous ne sommes pas bien organisés. Pour bien nous organiser, nous devons lutter contre les règles qui régissent la terre aujourd’hui, nous devons briser le carcan des méthodes archaïques pour acquérir la bonne technologie et toutes les méthodes modernes. Regardez le coton chez nous, le café et le cacao chez vous (en côte d’ivoire) : des milliards ont été consacrés à l’étude de ces produits parce qu’ils sont exportés. En revanche, la banane, le manioc et le riz n’ont jamais fait l’objet d’autant d’attention, parce qu’ils n’intéressent pas les autres.

            Est-ce que le producteur ivoirien de maïs est aussi assuré d’écouler son produit que le sont les éleveurs hollandais de vaches ou les producteurs français de  blé ?  Donc, que l’on commence la Révolution par le côté alimentaire ou par autre chose… l’essentiel est qu’il faut poser les problèmes des rapports entre les éléments de la Société. A qui profite telle ou telle politique… ? »

            Pourquoi nous attardons nous sur ce qui, par bien des aspects, pourrait paraître superfétatoire et peu révélateur de l’ensemble de la vision, tout comme de la profondeur de la visée de la Révolution burkinabé ?

La raison du choix de ces quelques « morceaux d’architecture » de la Révolution burkinabé tient à l’intuition quasi-prophétique de Thomas SANKARA quant au rôle primordial que l’agro-alimentaire pourrait jouer dans la libération des peuples africains si, mieux organisés, soucieux de produire suffisamment pour se nourrir, pour transformer, pour exporter, ces peuples devenaient « le grenier du Monde », du fait de la disponibilité des terres, de la volonté politique, de l’investissement des moyens humains, techniques et financier dans l’agriculture
            Nous nous attardons sur cet aspect spécifique parce que le potentiel existe. Restent les politiques agraires, restent les politiques agricoles, reste la volonté concertée des peuples africains guidés en cela par leurs leaders qui définiraient par strates successives, les objectifs quantitatifs et qualitatifs mesurables et les moyens de tous ordres à investir pour les atteindre. L’agro-industrie au service d’une alimentation saine et dépourvue de toute manipulation génétique et de tout intrant chimique, est à la portée de l’Afrique qui doit se nourrir, se protéger du « poison » des OGM, et sauver le monde de l’hérésie consumériste qui aveugle les pays développés au point de constituer une menace artificielle d’extension de la faim dans « nos pays africains», devenus pour l’occasion, « les poubelles des toxines » du monde industriel.

Cette longue digression ne vise qu’une préoccupation qui nous hante, en tant que Vice-Président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France, chargé des relations avec l’Afrique et les affaires internationales : Comment le peuple du Burkina Faso, héritier d’une Révolution dont la graine a germé et dont les racines se sont profondément enfouies en terre africaine, comment disions-nous, ce peuple peut-il vingt sept ans après, essaimer par l’exemple, ce qui constituera pour l’Afrique le modèle de lutte, d’endurance, de persévérance et de foi en la patrie, contre, malgré et envers toutes les disgrâces ?

LE BURKINA FASO A L’HEURE DES ENJEUX CRUCIAUX QUI ENGAGENT L’AFRIQUE

            Nous pensons que l’un des éléments de réponse réside dans la manière dont Thomas SANKARA définissait sa religion : « Ma religion… la Foi. La foi dans ce qu’elle a d’irrationnel, de profond et d’inexpliqué chez l’Homme. La foi m’habite. Je crois en quelque chose. J’y crois d’une manière passionnée, d’une manière si forte que je ne peux pas tenter d’expliquer de façon cartésienne, cela, c’est ma religion. Je crois en l’Homme, en la justice. Je crois en l’amour de la liberté. Je crois en l’amour de la liberté comme moyen pour les hommes, pour une société de vivre dans l’harmonie et le bonheur. D’autres façons de croire en l’homme aussi profondément, existent et sont également des religions. Elles ont d’autres noms ».

            Nous invitons le Peuple Burkinabè à méditer « cette profession de foi en l’Homme » du héros de la Révolution, pour mieux comprendre pourquoi, le Président du Faso, Thomas SANKARA s’est livré à ses frères en sacrifice propitiatoire pour que sa foi en l’homme et en la Révolution Burkinabé lui survivent. Suicide ? Oui ! confirme le Capitaine Boubakari Kaboré qui s’est entretenu avec Thomas SANKARA la veille du coup d’Etat alors qu’il était entendu, que pour prendre de court les conspirateurs, en l’occurrence M. Blaise COMPAORÉ, il annoncerait le 14 octobre 1987, sa démission à partir de Koudougou, où l’auteur de ce propos siégeait comme Commandant du BIA.

            Il se veut plus précis quand il martèle : « Il savait qu’on allait le tuer et il a accepté de mourir. Donc c’est un suicide. Ce que je vous dis c’est du vécu, nous en avons discuté ; ses proches savaient très bien qu’on allait le tuer ».

            Le Peuple Burkinabè, pour avoir été enseigné, renseigné et édifié sait que la Vème République Française, dans ses rapports avec l’Afrique en général et l’Afrique Francophone, en particulier, est une « Métaphore filée de la France Impérialiste ». En quête d’espace vital au XIXème siècle, la France en plein XXIème siècle, impose à ses anciens « comptoirs français d’Afrique », une « Communauté Financière Africaine » à travers un sigle CFA révélateur de la « Communauté Française d’Afrique ».
Où est donc la prétendue souveraineté des pays africains ? « La réalité saute aux yeux comme le nez au milieu de la figure… ».
La réalité politique, économique, historique et subliminale veut que les anciennes colonies ne soient par essence que des « comptoirs français », des « marchés vitaux d’écoulement des produits de France, des biens et services produits en France, ou produits par la France en Afrique, destinés pour ce faire à la consommation locale africaine ». Droit de préemption, de propriété exclusive, la France va plus loin, elle se donne, par un maillage d’actions pluriformes, masquées, parsemées de bonnes intentions et teintées de bienveillante attention, le statut proclamé « du Pays des droits de l’Homme et de la Démocratie » qui, sous le couvert de l’intérêt des peuples à se libérer du délire des tyrans africains insensés ou assoiffés de pouvoir, entend en réalité, faire main basse sur les économies africaines et les richesses du sous-sol africain. L’injustice et l’hypocrisie caractérisées qui sous-tendent ce crédo de la politique africaine de la France ont des conséquences désastreuses ; la déstabilisation, la perte des repères et des points de croissance, le déchaînement de la violence, parfois, et le Burkina en a fait l’expérience, l’assassinat du leader d’une politique jugée incompatible avec les intérêts de la France.

AU NOM DE L’AFRIQUE, LE BURKINA FASO DOIT SE SOUVENIR

            Le peuple Burkinabè doit se souvenir de ce continuum historique. Il doit recontextualiser historiquement ce que le Président du Faso, sous la Révolution disait de l’impérialisme : « … c’est dans la pratique que j’ai vu que l’impérialisme est un monstre, un monstre qui a des griffes, qui a des cornes, qui a des crocs, qui mord, qui a du venin, qui est sans pitié. Et un discours ne suffit pas pour le faire trembler. Non, il est déterminé, il n’a pas de  conscience, il n’a pas de cœur… ».

            Cette vision anthropomorphique de l’impérialisme datée du 17 mars 1985 a été illustrée par le Chantre de la Révolution Burkinabè au cours de l’entretien accordé à Ernest Harsh de l’Intercontinental Press. Il ressort de cette peinture de l’Impérialisme des traits de sous-catégorisation qui relèvent du champ sémantique de la monstruosité dans ce qu’elle a de belliqueux, de dangereux, d’immoral et d’impitoyable. Ce que nous voulons en retenir c’est l’absence de « conscience » et de « cœur ».

            Le Capitaine Thomas SANKARA, alors Président du Faso affirmait dans la pratique avoir « vu le monstre » qu’était « l’Impérialisme » et se disait déterminé à le combattre : « Plus nous avons découvert cet Impérialisme comme étant un ennemi dangereux, plus nous avons été déterminés à nous battre et à le combattre. Et nous trouvons à chaque fois  des forces nouvelles  pour y faire  face ».

            Le Peuple Burkinabè doit savoir que le Président Blaise COMPAORÉ, lui aussi n’ignorait pas qui était « ce monstre », il ne l’a donc pas seulement « vu », il l’a vécu.

Si voir c’est savoir, vivre c’est expérimenter le savoir. Il a expérimenté ce monstre  dont « l’étreinte n’est faite que de griffes, de cornes, de crocs et de venin l’a impitoyablement « vidé de tout son suc, de toute son énergie, de toute sa vitalité patriotique ».

Notre supputation qui pourrait s’apparenter à une simple conjecture tente de camper la douleur et l’extrême affliction qui ont pu habiter pendant vingt-sept ans le subconscient du frère d’armes, ami intime et compagnon de la Révolution de Thomas SANKARA.

Faut-il que le Peuple Burkinabè s’en souvienne ?

En évoquant l’amitié qui liait les capitaines Blaise COMPAORÉ et Thomas SANKARA, il était possible de dire comme Michel Aequem de Montaigne, de son ami La Boëtie, dans ses Essais : « C’était comme si c’était lui, c’était comme si c’était moi ». Se référant aux deux têtes de proue de la Révolution démocratique et populaire Burkinabé, il est en effet avéré que l’amitié qui liait Thomas SANKARA à Blaise COMPAORÉ transcendait la fraternité de sang pour toucher aux cimes de la fraternité d’élection, celle qui relève du choix du cœur.

Chaque être étant unique, il est clair que les personnalités des deux jeunes capitaines à la tête de la Révolution Burkinabè étaient différentes. Le Capitaine, Président du Faso était réputé très intègre, très sobre, très honnête, très indépendant au point d’en être agaçant ; pourtant, il vouait une confiance aveugle à son « frère » et ami, Blaise COMPAORÉ qui faut-il le souligner, avait joué, à l’entame de la Révolution confrontée aux « réactions des réseaux françafricains », un rôle prééminent dans la libération de son ami Thomas SANKARA, mis aux arrêts sans mandat, le 17 Mai 1983 alors qu’il était Premier Ministre de la Haute-Volta, sous le Président Jean-Baptiste Ouédraogo et qu’il avait ordonné «que le feu ne soit pas ouvert » par ses gardes sur les personnes en charge de son arrestation. Sa détention à Ouahigouya, le même jour s’est soldé, durant la première nuit de captivité par un attentat à l’arme à feu que l’on voulut faire passer pour un incident, alors que des instructions avaient été données avec « ordre de tirer ; si le détenu bougeait ».

Il confiera au Magazine « Afrique-Asie » après sa libération et « le coup d’Etat du 04 août 1983 » réclamé par le Conseil de Salut du Peuple (CSP) : « Coïncidence curieuse, l’auteur  du coup de feu était le seul soldat étranger à l’unité ». Dans le même interview il reconnaissait que « l’honnêteté excessive… en politique se nomme purement et simplement de la naïveté … »  « Autant nous pensions que les engagements pris d’un commun accord avec ceux qui n’étaient pas sur le même axe politique que nous devaient être respectés, autant nos adversaires et partenaires à l’époque acceptaient froidement et de manière machiavélique de mettre à exécution certains projets criminels. Nous avons été naïfs et leur avons donné les moyens de nous arrêter ». Thomas SANKARA désignait par nous : le Capitaine Henri ZONGO, qu’il savait vivant mais en état de siège avec ses Hommes, le Commandant Lingani, détenu à Dori, le Capitaine Blaise COMPAORÉ dont il était sans nouvelles et dont il dira : « j’étais fondé à interpréter ce silence comme l’aveu d’un assassinat. J’avoue  avoir été moralement atteint, d’autant plus qu’au même moment, des civils étaient arrêtés en mon nom… ».

            Les entraves, obstacles et traques orchestrés contre la Révolution Voltaïque ne faibliront pas, depuis l’époque du Conseil de Salut  Public sous les Chefs d’Etat de Haute-Volta, Jean-Baptiste Ouédrago et Saye Zerbo, jusqu’au Conseil National de la Révolution, sous le Capitaine, Président du Faso, Thomas SANKARA. De fait, plus la révolution Burkinabè essaimait au-delà des frontières du Burkina Faso, plus l’adversité, les complots, les conspirations des « meilleurs amis » de la France et des réseaux qui veillent aux intérêts de la France se multipliaient.

            Il fallait, dans le cas spécifique du Faso « Pays dont l’aura faisait école, mettre un terme à l’aventure révolutionnaire ». Ni le Peuple Burkinabè, ni les Peuples de la Sous-région ouest-africaine qui adulaient « l’icône de la Révolution Burkinabè », encore moins ceux de l’Afrique subsaharienne qui partageaient largement l’idéologie libératrice prônée par Thomas SANKARA, ne pouvaient donner leur aval ou cautionner une telle forfaiture. C’est à l’échelle des Chefs d’Etat coptés par « l’hydre impérialiste » désigné sous le vocable « Françafrique », que sera mis un coup d’arrêt à la Révolution Burkinabé.

Dans l’ouvrage de Bruno Jaffré, intitulé Biographie de Thomas SANKARA, la Patrie ou la mort… paru à l’Harmattan en octobre 2007, on peut lire : « la Françafrique définit une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisée sur l’accaparement de deux rentes : les matières premières et l’aide publique au développement. La logique de cette ponction est d’interdire l’initiative hors du cercle des initiés. Le système, autodégradant, se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie. Le terme  (Françafrique) évoque aussi la confusion, une familiarité domestique louchant vers la primauté ». Cette définition de la « françafrique » est de François Xavier Verschave, cité dans la Biographie sus évoquée de Thomas SANKARA, et signée par Bruno Jaffré.

Elle souligne à l’envi, « le destin mis sous scellés des anciennes colonies françaises ».

BURKINA FASO : L’OPPORTUNITE HISTORIQUE D’UNE RECONCILIATION PROPITIATOIRE…

            Aux Burkinabès qui liront ces lignes, nous avons cru utile de dire que la contingence historique voulue par les intérêts oligopolistiques de la France en particulier et de l’Occident en général, font l’objet d’une veille de tous les instants, et ne s’embarrassent pas de la criminalisation des systèmes politiques, économiques et militaires mis en place, pour mieux s’accaparer les rentes qui eussent pu revenir aux peuples des pays africains, pris en étau dans « l’œil du cyclone » occidental.

Nous disions que les tenants et aboutissants de « cette contingence historique » ne s’accommodaient pas de la démocratie. Ils ont simplement besoin d’espace vital, de marchés vitaux, de ressources humaines implantées dans leurs anciennes colonies et formées, disons-le « formatées » pour garantir, assurer, pérenniser leurs intérêts. C’est pourquoi, leur sagacité, leur perspicacité, leur relative efficacité résident dans l’analyse politique, géostratégique, ethnique, anthropologique, culturelle, économique, sociale, sociétale de nos pays, pour y déceler des failles susceptibles par « une manière d’hypertrophie du réel », à rentrer brutalement sur « la scène politique » des Pays africains et leur « imposer un scénario au cours duquel, les actes ne reproduiraient qu’un jeu fixé à l’avance et dont le dénouement au final, serait toujours le même ; à savoir : la prise en otage des peuples et « la soumission de leurs chefs »,  préalablement instruits du rôle qu’ils seraient appelés à jouer, et parfois initiés des conséquences encourues, s’ils venaient à se démarquer de la ligne tracée ».

            Que le Peuple Burkinabè ait présent à la mémoire quand viendra le moment d’invoquer la lumière, la vérité sur « l’assassinat de Thomas SANKARA », qu’il s’agira certes de faire un procès dont le Chef d’accusation, vieux de plus de vingt sept ans, porte sur ses fils qui auraient violemment et indignement assassiné leurs frères (SANKARA et les douze autres), mais  encore, mais surtout, d’initier un procès exemplaire, juste et équitable d’une tranche de l’histoire du Burkina Faso qui passe de loin, les vingt sept ans qu’a duré la Présidence de M. Blaise COMPAORÉ à la tête du Faso.

            Nous l’affirmons et le soutenons, les fils de l’Afrique, rendus coupables de compromission avec « l’ennemi commun », au point de trahir leur pays, de briser le rêve de développement et d’épanouissement de leur peuple ; ces fils qui ont commis des exactions et crimes innommables, allant même jusqu’à assassiner comme c’est le cas, il y a plus de vingt sept ans, l’icône adulée de la Révolution Burkinabè ; ces fils de l’Afrique méritent d’être jugés en se souvenant qu’ils sont « nos fils », qu’ils sont « nos frères », qu’ils ont subi la « morsure du monstre », qui les a du jour au lendemain, transformés en « ennemis de leur peuple ».

Cette part de vérité, cette reconstitution de « la tranche de vie » subvertie, pervertie par « la cruauté et la nécessité des pouvoirs africains contrôlés  de trop près par les réseaux impérialistes » se doit d’être révélée par nos dirigeants africains, indexés, jetés en pâture, à la vindicte de leur peuple, contraints de force à l’exil.

            Nous sommes convaincus, pour l’avoir intuitivement perçu lors de notre séjour au Burkina Faso, quelques jours avant la démission du Président Blaise COMPAORÉ, que ce dernier était blasé, fatigué du rôle qu’il lui avait été donné de jouer, pendant vingt sept ans ; exténué par « le cri strident du peuple » qui réclamait son départ et se  refusait à « la Révision de la Constitution Burkinabè ».

            En effet, à l’occasion de l’audience du 22 octobre 2014 qu’il avait plu au Président Blaise COMPAORÉ d’accorder au Conseil Représentatif des Associations Noires de France et du déjeuner qui s’en est suivi le 23 octobre du même mois, nous avons échangé « à bâtons rompus » sur la Révision de la constitution, les manifestations qui s’étaient déroulées depuis lors,  les ressentiments du Peuple Burkinabè sur la gestion du pouvoir pendant vingt sept ans, et bien sûr, les modalités de l’implantation du CRAN au Burkina Faso.
           
            En tant que Vice-Président du CRAN, chargé des relations avec l’Afrique et des Affaires Internationales, il m’a été donné de recueillir des confidences au cours desquelles, désabusé, le Président Blaise COMPAORÉ, me faisait part de son dépit au sujet de l’attribution d’un marché de construction du chemin de fer destiné à acheminer via la Côte d’Ivoire, des minerais destinés à l’exportation, eu égard à l’enclavement du Burkina Faso. Ce marché sera attribué à une Entreprise asiatique, suite au désintérêt exprimé par le groupe Bolloré, sollicité pour ce faire. Le même groupe français revenu à la charge, insistera que soient révisés les termes du marché ainsi attribué.

            Il a par conséquent été convenu, qu’une partie du tronçon serait exécutée par l’entreprise asiatique adjudicataire et l’autre, confiée au Groupe Bolloré.

Après que l’entreprise asiatique eut achevé la part dont elle avait la charge, le Groupe Bolloré ne se pressait pas d’exécuter le tronçon pour lequel il avait reçu mandat et financements y afférents. Privé d’une réalisation qui lui tenait à cœur et qu’il aurait pu faire valoir, le Président Blaise COMPAORÉ, dépité par ceux-là mêmes qui l’avaient instrumentalisé, en le propulsant comme médiateur de tous les conflits en Afrique de l’Ouest, Patron du règlement des différends au sein des Etats Ouest-africains, ceux-là aujourd’hui, le frustraient, le privaient de l’un des nombreux projets-phares dont il aurait eu la fierté, parmi tant d’autres non exécutés, de se prévaloir auprès de son peuple.

            N’est-ce pas pour cela qu’il déclinera le Secrétariat Général de la Francophonie qui lui était proposé par ses mentors, après qu’il se serait retiré de la « tête du Burkina Faso » ?

            Nous n’évoquons cette anecdote, que pour avoir eu le privilège d’être là, au moment où s’écrivait une page capitale de l’histoire du Burkina Faso.

            Nous évoquons cette anecdote soucieux de l’importance que revêt à notre entendement, la nécessité que s’estompe « la tapisserie de Pénélope » de l’histoire des Peuples Noirs d’Afrique Francophone « tissée et défaite » par « la métropole » quand vient le moment de reconstituer « les motifs et nuances de la toile». La toile de l’histoire récente du Burkina Faso se défile, tant que l’une de ses pièces majeures manque au « métier à tisser ».

            Les Burkinabès me comprennent bien. Eux qui sont coutumiers du « coton », « du métier  à tisser » et des toiles dont les motifs et la texture furent célébrés et valorisées par le Président Thomas SANKARA.

Qu’il leur plaise de comprendre, d’admettre et d’accepter que le Président Blaise COMPAORÉ est leur fils, leur frère, ou simplement un être humain qui a ses faiblesses, ses travers, qui leur a peut-être fait subir des atrocités, des injustices et autres calamités à l’instar de l’enrichissement démesuré des dirigeants, la gabegie insultante de l’entourage et des comparses du régime, mais il reste et demeure celui qui, s’étant hissé certes par la force à la tête du Faso, a conduit pendant vingt sept ans le pays. A défaut de jouir d’une indulgence imméritée s’il se défilait, le Président Blaise  COMPAORÉ doit, devant le peuple Burkinabé, user de son droit de réponse, du droit de dire sa vérité, du droit de libérer « les monstres qui lacèrent sa conscience ».

 Toutes les autres manœuvres et subterfuges identitaires sont une insulte à la sagesse et à la capacité de résilience des Burkinabès, comme des peuples de l’Afrique profonde.

            Le Président de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane OUATARA a « le devoir citoyen africain » de poser l’acte primordial  qui permettra avec son homologue, le Président Marc Roch Christian Kaboré de faciliter « le retour au Burkina Faso » de la pièce maîtresse qui autorisera que soit possible une réconciliation du Peuple Burkinabè avec son histoire.

            C’est d’un devoir historique qu’il s’agit. Un devoir de reconsidération de nos fautes, de nos erreurs, de notre pacte  avec la « savante instrumentalisation de la mémoire des peuples, qui ne retiennent des régimes de leurs fils que la misère, le sang, l’horreur, le deuil » ; jamais la responsabilité des véritables commanditaires.

            Lorsque revenu de la Mission du CRAN au Burkina Faso et dans l’attente du rendez-vous pris à Paris en décembre 2014, avec le Président Blaise COMPAORÉ, nous apprenons, effarés, que sous la pression du Peuple, il venait de démissionner, nous nous sommes précipités, pour avoir des proches du Président, la primeur de ce qui devait suivre. Nos interlocuteurs se sont contentés de nous dire « que le Président Blaise COMPAORÉ a donné l’ordre au Régiment de la Sécurité Présidentielle de ne pas ouvrir le feu sur le peuple » qui convergeait vers le Palais… »

            Le Reste est connu. Avait-il abdiqué ? –Assurément. Avait-il été lâché ? –Indubitablement. Avait-il été auparavant trompé ? -Incontestablement.

Au passé Président du Faso, Blaise COMPAORE

            Je voudrais humblement dire ceci : je ne prétends pas être de ces spécialistes de l’Afrique à la Direction du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) de France, encore moins une égérie d’un quelconque mandataire africain, chargé « de revivifier le lustre terni » de quelque figure d’envergure… je ne suis qu’un fils de « L’Afrique Eternelle » que nos ancêtres africains nommaient « Kâma » et que les Grecs de l’Antiquité désignaient sous l’appellation « Ethiopos »… « Les hommes à la Peau brûlée». C’est en tant que fils de « cette Afrique là » que j’implore de tous mes vœux qu’il ne soit plus permis que « l’omniniant crachat » qu’évoquait Aimé Césaire dans le « Cahier d’un Retour au Pays Natal » poursuive tel « un remords inexorcissable » les fils de l’Afrique ayant adhéré par opportunité, nécessité ou fatalité au « Pacte occulte de l’impérialisme ». Mon analyse ne fait pas fi du rapport des forces en présence, mais plonge profondément dans les racines séculaires de l’anthropologie et de la culture africaines pour souligner que l’Occident, la France, la Communauté Internationale affectent un mépris souverain des dirigeants à la tête de nos Etats africains, lorsque ceux-ci ont fini de « jouer la partition », jadis écrite, prescrite ou imposée par leurs soins ».

            Sur l’échiquier des enjeux économiques, politiques et financiers internationaux, les fils de l’Afrique à la tête de nos Etats sont assimilables à « des pions » déplacés en fonction des   intérêts, des besoins, des appétits, de « l’ogre impérialiste ». Lorsqu’au fil du temps, l’insatiabilité de « l’ogre » rencontre la réticence « du pion » à se laisser déplacer, manipuler, vider de son « essence » et de « son existence», alors, s’ébranle la machine infernale, une manière de « Deus ex Machina » qui vient mettre un terme à l’aventure au pouvoir du dirigeant.

            Afin que cesse «la danse macabre et burlesque des dirigeants africains dont le pas, le rythme, les actions sont conçus pour s’achever en « fin cocasse de polichinelle des temps modernes », il est indispensable que le passé Président du Burkina Faso que vous êtes et demeurez, par « un coup de théâtre », porte un « revers significatif à l’Hydre qui veille à ce que votre séjour de vingt sept ans à la tête du Burkina Faso, ne soit qu’une triste parenthèse. Un fait divers… ».

            Non. J’ai la ferme conviction que votre « Retour au Faso » n’est redouté que par « ceux-là mêmes qui n’ont aucun intérêt à ce qu’il soit donné un contenu aux vingt-sept ans passés à la tête du Burkina Faso ». La médiatisation de votre nationalité ivoirienne acquise quelques semaines après votre exil en Côte d’Ivoire, est encore une instrumentalisation visant à asseoir « le refus de comparaître de l’enfant terrible de Zignaré » devant les Juridictions du Pays dont il a, pendant vingt sept ans, présidé aux destinées.

            Pourquoi l’acquisition de la nationalité française, canadienne, américaine ou italienne par les Africains n’émeut personne ? 

Ceux  de mes frères Burkinabés qui liront ces lignes argueraient avec aplomb et pertinence, que tout africain est libre d’acquérir la nationalité de quelque autre pays africain de son élection, mais un Chef d’Etat qui le ferait pour échapper à la justice de son pays alors qu’un mandat d’arrêt international est lancé à son encontre est un opprobe, une trahison, une perfidie. Je l’entends, j’y consens. Je l’approuve. J’estime cependant, ainsi que je l’ai fait partager dans l’adresse au Peuple Burkinabè, qu’il est important de recontextualiser « le Retour au Faso du Président Blaise COMPAORE » dans une historicité dépassant stricto-sensu le cadre géopolitique du Burkina Faso pour mieux l’inscrire dans ce  qui sera  tout à la fois « le procès d’un fils de l’Afrique » et « le Procès de l’Histoire récente de l’Afrique à la croisée des chemins ».

            Nul n’ignore que c’est pour flatter une réputation « démonétisée » par les soins de « l’Hydre impérialiste » que des esprits retors vous poussent à porter « une auréole affublée de déshonneur ».

            Le Président de la République Centrafricaine Jean Bedel BOKASSA a comparu devant la Justice de son pays, a dit sa part de vérité, a été entendu par son peuple et est mort libre. Le Président du Mali, MOUSSA TRAORE, jugé, condamné mène sa retraite libre.

            Je ne serai pas surpris qu’un accueil triomphal soit réservé par le Peuple Burkinabé, à l’annonce du retour au Faso du Président Blaise COMPAORE, venu prendre rendez-vous avec l’histoire, venu répondre aux faits qui lui sont reprochés, venu apporter « sa part de vérité ».

            Le devoir citoyen africain commande l’affranchissement, la rupture des chaînes de la « psychomécanique impérialiste » qui distille, entretient l’effacement des pans entiers de l’histoire dans la mémoire de nos peuples.
Sans haine, ni ressentiments destinés à exhumer les rancœurs et le souffle sulfureux de la vindicte populaire, le Peuple Burkinabé est capable d’accorder son pardon à son Président, au simple motif qu’il a comparu  devant la justice de son Pays.

            Les Apôtres et autres prescripteurs de la fuite, de l’esquive, des « arlequinades de la couardise », et stratagèmes de l’impunité, savent bien qu’ils ne contribuent qu’à priver le Peuple Burkinabè de la vérité, de la Réconciliation, mais surtout de sa capacité à donner l’exemple aux africains, qu’il existe une justice africaine qui transcende « la loi du talion » et  s’inscrit dans le sillage de la dignité que confère le pardon, pour qui sait l’accorder.

            Je réitère ma conviction au Président du Faso, au nom de l’Afrique dont il est un fils et du Burkina Faso qu’il a dirigé : votre comparution sera en elle-même une victoire, une libération, une réinsertion dans l’histoire dont vous êtes comptable autant que l’est, le Peuple que vous avez pendant vingt sept ans, conduit. Je sais l’affection que vous portez à votre fille unique, je sais votre part d’humanité, de regrets. Je sais que vous serez utile au Peuple Burkinabè, au Gouvernement mis en place par l’actuel Président du Faso, Marc  Roch Christian Kaboré, à la Jeune, fragile mais exemplaire démocratie Burkinabé. Ne la privez pas de votre expertise avérée, de votre connaissance des enjeux ouest-africains, de votre vaste expérience de la fréquentation du « Monstre » et de « ses morsures ».

            C’est d’un rendez-vous historique qu’il s’agit. Un rendez-vous de la réhabilitation, un rendez-vous de la rupture, un rendez-vous visant à exorciser les calentures qui brouillent la lisibilité, la visibilité et la restauration au Peuple Burkinabè de la part de vérité que vous détenez, part de vérité occultée par « le fameux devoir de Réserve » auquel vous contraint les hautes inhérent aux hautes fonctions exercées.

            L’histoire doit s’écrire de la manière la plus noble, de la manière qui honore ceux que l’histoire déshonore, dans le but de perpétuer le déshonneur des Peuples Noirs et d’ériger en « fatalité historique » l’incapacité de ces mêmes peuples à s’affranchir du « mensonge occidental ». Là est l’enjeu et pas ailleurs.

Au Peuple fier et valeureux du Burkina Faso, nous disons :

« La patrie ou la mort, nous vaincrons » !



Guy Samuel NYOUMSI
Vice-président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN),
Président de Solidarité Africaine de France (SAF)
Contact : gsnyoumsi@gmail.com

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