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dimanche 22 mars 2015

"Sé nèg ki vann nèg" ou l'histoire travestie de la traite négrière transatlantique



"Nèg vann nèg, sé nèg ki vann nèg…." L'histoire de la déportation d'Africains pour être mis en esclavage dans les plantations d'Amérique, appelée traite négrière par ceux qui ont été à l'initiative de ce commerce, met souvent en exergue comme source principale de son approvisionnement en main d'œuvre, le fait que les Africains vendaient les africains, ce qui très rapidement est devenu "nèg vann nèg". 

Si on accepte une telle synthèse il devient dès lors tout aussi facile de dire que dans les camps de concentration d'Europe type Auschwitz "sé blan ki brilé blan" (ce sont des Blancs qui ont brulé des Blancs). Pourtant les récits de cette histoire font bien la différence entre les nazis et les juifs. Tous deux appartenant pourtant au groupe des Blancs…. La distinction est faite entre deux groupes (nazis et juifs) appartenant à la même ethnie. La distinction doit être faite dans le commerce d'africains entre captifs et trafiquants de captifs appartenants à la même ethnie.
Le "nèg ki vann nèg" participe de cette infériorisation générale du Noir qui doit justifier et légitimer tous ses malheurs puisqu'il en a été le complice.

L'esclavage est une institution vieille comme le monde. Si l'esclavage est mentionné dans les premières civilisations écrites, les conditions de son émergence sont, en l'absence de sources, impossibles à déterminer avec précision. Le statut et la fonction de l'esclave ont varié selon les époques et les lieux : les sources et les justifications de l'esclavage, la position et les tâches matérielles conférées aux esclaves ainsi que les conditions de sortie de la condition d'esclaves sont autant d'éléments qui confèrent sa spécificité à chaque configuration historique.

Le plus souvent, les esclaves étaient capturés à l'occasion de conflits entre des communautés ou des nations, comme dans certaines sociétés de l'Antiquité européenne. Pour exemple : l'esclave romain est ambivalent : il est à la fois homme et marchandise. Un esclave est un bien que l'on possède mais ses droits ne sont pas nuls; les esclaves sont sous la domination du maître. Le maître a le droit de vie et de mort sur ses esclaves. Chez les Grecs l'esclavage était une déshumanisation de la personne, puisqu'on parle de "cheptel humain". La Chine archaïque utilise une main d'œuvre esclave pour construire les digues et les fortifications : la grande muraille n'échappe pas à la règle. Les Amérindiens étaient répartis en nations dont certaines pratiquaient l'esclavage avant l'arrivée des Européens. 

Pour sortir du "nèg vann nèg" qui relève d'une réduction très simpliste de l'histoire de ce que fut la véritable industrie du commerce de captifs africains dit "commerce triangulaire" il importe de connaitre les véritables mécanismes d'un système économique qui dura de 1441 à fin 1880.

A propos du terme nègre :

L'Africain en Afrique ne s'est jamais appelé "nègre". 

"Le terme nègre tirera ses origines du nom donné à l'africain par les portugais au fur et à mesure de leurs rencontres avec d'autres parties du continent africain. Rencontres qui arrivèrent après qu'ils aient pris pied dans l'ancienne Mauritanie qui correspond à l'actuel Maroc. Georges Boisvert explique que "l'Autre africain est uniformément Mouro (qui se rattache à la Mauritanie) jusqu'au moment où les navigateurs portugais atteignent en 1446 ce qu'ils appellent la terra dos Negros (le pays des Noirs), à la hauteur du fleuve Sénégal. Dès lors, les portugais distinguent deux types de Mouros, les Mouros brancos ou alvos, et les mouros negros, ou tout simplement les Negros. La couleur de la peau devient le terme par lequel est désigné l'Autre appartenant à cette zone nouvellement découverte … Negro est dès lors le terme générique qui sert à désigner l'ensemble des populations subsahariennes… Le commerce des esclaves en se développant va affecter le mot Negro d'une connotation péjorative dans la mesure où le Negro esclave est l'une des marchandises recherchées par les portugais en Afrique." Les portugais, précise Boisvert, "savent bien que tous les Negros ne sont pas esclaves. Mais dans les mentalités s'est opérée une association entre esclaves et Negros, dans la mesure où tous les esclaves qui sont ramenés de l'Afrique subsaharienne sont des Noirs."

Boisvert Georges, La dénomination de l'Autre africain au XVe siècle dans les récits des découvertes portugaises, L'Homme, 153, Observer Nommer Classer, 2000
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La traite négrière transatlantique

"Initiée par le Portugal en 1441 et s’inscrivant d’abord dans le processus de guerre sainte chrétienne contre les infidèles qui lui fournissait alors sa justification idéologique (Abramova 1985), la traite négrière transatlantique (TNTA) s’était aussi matérialisée par un système économique répondant au mobile du profit (Williams 1968) et fondé sur la production, l’échange et l’utilisation d’un bien : l’esclave. Produit en Afrique subsaharienne et utilisé dans les Amériques, ce bien (l’esclave), contrairement à une opinion largement répandue (Fage 1981), ne se puisait pas dans une classe d’esclaves disponibles sur le continent noir. Dans le système de TNTA, l’esclave n’était pas non plus fourni par des éleveurs professionnels ou des parents « vendant leurs progénitures » ou encore par « des rois-nègres-trafiquant-leurs-sujets » (Meillassoux, 1971). Ces caractéristiques montrent que le captif qui demeure dans son milieu social ne peut devenir esclave : il ne peut y être étranger et conserve de surcroit tous ses repères. Dès lors la technologie de production du bien esclave doit combiner à l’input captif le facteur traite. Celui-ci consiste à extraire et transporter hors de son milieu social, de son milieu de vie naturel, le captif. Perdant ainsi sa terre mère (Survelor 1983), séparé de son milieu social et déraciné, le captif devient un corps dépourvu de personnalité (Bormans 2004). Sa désocialisation et sa réification ainsi produite par la traite s’achèvent par une étape finale, la vente. 

La production du captif : une variété de techniques
 
En effet, le captif étant l’input essentiel de production de l’esclave, la rationalité économique des capitalistes utilisateurs d’esclave (les négriers) leur recommandait d’en assurer une offre adéquate avec la demande. Or, les producteurs de captifs pouvaient être tentés par des comportements opportunistes s’ils sont en nombre restreint (Williamson 1975). Dans ce contexte, l’intérêt des négriers était de contrôler / et ou de diversifier les sources d’approvisionnement. Ce qu’ils avaient fait en mettant en place un ensemble complémentaire de techniques de production du captif, à savoir, le rapt direct, le dressage des anciens esclaves, la création de « princes négriers» au sein de la société africaine, la fomentation de guerres interafricaines, l’élimination – désignation – contrôle de rois africains, l’érection de l’esclave en monnaie.

1°) - Le rapt direct

Cette technique de production du captif était celle utilisée initialement par les portugais lorsqu’ils inaugurèrent la traite négrière en Afrique en 1441 : c’était la technique du filhamento : ils allaient attaquer les populations locales par surprise, les capturaient et les ramenaient au Portugal (Zurara3 1453).
Ce butin ramené à l’Infant et qui reçut un accueil triomphal, donna le coup d’envoi de ce qui allait être la TNTA. A partir de cette année 1441, les marins portugais, notamment les chevaliers de l’ordre du Christ, opérant sous le commandement de l’Infant Henri le Navigateur, feront des incursions récurrentes sur les côtes africaines et captureront les autochtones par la même technique. Selon Zurara (1453 : 96) la première vente publique de captifs extraits d’Afrique par les portugais eut lieu le 8 août 1444, à Lagos (Portugal) en présence de l’Infant dom Henrique. Et le partage terminé, « certains vendaient leurs esclaves ou les envoyaient vers d’autres contrées, et il arrivait que le père restât à Lagos tandis que la mère était emmenée à Lisbonne et les enfants ailleurs encore » ( Zurara 1453 : 96).

2°) - Le dressage des anciens esclaves

En effet dès la première vente publique de Lagos de 1444, les captifs étaient devenus des marchandises prisées : du Portugal, ils étaient peu à peu exportés vers l’Italie, l’Espagne, etc… De main-d’œuvre domestique, ils devenaient rapidement une main d’œuvre agricole :suivant l’exemple des espagnols qui utilisaient les Guanches (autochtones des îles atlantiques) comme esclaves agricoles aux îles Canaries dans la culture sucrière, le Portugal allait rapidement réexporter les esclaves noirs vers les îles atlantiques dont ce pays a pris possession, notamment Madère et les Açores où ils allaient servir d’esclaves agricoles. La demande s’étant développée et les razzias s’étant intensifiées, les populations côtières africaines avaient appris à se méfier des navires et évitaient de se rendre sur les plages de peur d’être capturées (Pinto et Carreira 1985). Alors, les portugais mettaient en place une technique complémentaire de production du captif. Ca Da Mosto (1456 : 86), nous livra cette technique en ces termes : « Nous parvînmes à l’embouchure d’un fleuve…nous jetâmes l’ancre et décidâmes de débarquer un de nos truchements, car nous avons sur chacun de nos navires des interprètes noirs, venus du Portugal, et qui étaient des esclaves noirs…Ces esclaves étaient devenus chrétiens au Portugal et entendait bien la langue portugaise. Nous les avions obtenus de leurs maîtres, au prix et à la condition qu’ils puissent choisir un esclave parmi la cargaison de ceux que nous devions ramener. 

Quant à nos truchements, outre ce service de traduction, ils pouvaient s’affranchir s’ils baillaient quatre nouveaux esclaves à leur maître ; par ce moyen, beaucoup parvinrent à se libérer de leur servitude ». Ce qui était nouveau ici n’était nullement l’utilisation des anciens captifs comme interprètes et agents de renseignements, car nombre d’expéditions dont avait traité Zurara en comportaient. Mais c’était le mécanisme du prix d’achat de leur liberté proposé aux anciens captifs : « une fois qu’on les avait baptisés et qu’ils parlaient la langue de leur maître ils étaient embarqués à bord des caravelles et envoyés auprès de leurs congénères. Ils devenaient des hommes libres après qu’ils avaient ramenés quatre esclaves » (Pinto et Carreira 1985 : 131). Si l’on se place dans les conditions idéologiques de la TNTA justifiée comme une action sainte, de salut des âmes, il était clair que c’était un véritable dressage que subissaient ces anciens captifs (Seti 1998, Logossah 1998a). 

Ils étaient en effet conditionnés eux-mêmes à aller capturer d’autres Noirs non chrétiens et à les livrer aux portugais, convaincus alors que c’était là des actions voulues par le Dieu des chrétiens. On comprend dès lors pourquoi ces anciens esclaves avaient joué un rôle important dans le développement de la traite et surtout pourquoi ils devenaient facilement des intermédiaires efficaces qui, plus tard, se spécialisaient dans l’approvisionnement des négriers en captifs. Nous voyons poindre ici les éléments primitifs de ce que l’historiographie officielle de la TNTA dénomme les « rois nègres trafiquants d’esclaves ». Les portugais continueront toutefois à structurer leur système de traite en ajoutant un dispositif supplémentaire : la création d’une classe de négriers européens en Afrique Noire.

3°) - La création d’une classe de négriers expatriés au sein de la société africaine

En 1455, le prince dom Henrique faisait construire à Arguin le premier fort portugais (Ca Da Mosto 1455 : 42) sur la Côte occidentale africaine (voir carte page suisvante); cela allait marquer un tournant dans les activités du Portugal et leur organisation en Afrique : Arguin était destiné à servir le cas échéant de refuge, d’escale aux navires envoyés en reconnaissance vers le sud ; Arguin fut aussi un modèle pour les forts qui allaient être construits ultérieurement sur les côtes africaines aussi bien par le Portugal que par les autres nations européennes. 

Cette colonisation connut un nouvel essor à partir de 1493 lorsqu’arrivaient sur l’île des artisans sucriers de Madère et surtout lorsqu’y étaient déportés 2000 enfants juifs, garçons comme filles, séparés de leurs parents, âgés de huit ans au plus, de même que des prisonniers et des condamnés de droit communs auxquels le roi faisait donner des terres (Ballong-Wen-Mewuda 1988 : 124). Cette colonie de peuplement, constituée en grande partie de gens foi ni loi pour les adultes, reçut comme mission de développer la culture de canne à sucre, de malaguettes, d’épices, mais aussi le trafic humain. La réalité était que ces colons, constitués en grande partie de hors-la -loi, allaient développer une activité soutenue de razzias à l’intérieur du Congo et sur les côtes environnantes ; ils constituaient une partie des grands princes marchands d’esclaves qui avaient sévi sur les côtes africaines durant la TNTA.

Ils apparaissaient aussi comme les éléments primitifs des redoutables lançados que le Portugal installait au Congo-Angola dès le XVI ème siècle. Ces lançados (ceux qui osèrent se lancer à l’intérieur des terres) installé au sein des sociétés africaines au Congo – Angola, et qui s’adonnaient aux razzias – ventes de captifs en investissant l’intérieur des terres, étaient décrits en ce début du 16è siècle comme « la semence de l’enfer », « tout ce qu’il y a de mal », « assassins, débauchés, voleurs ». « Avec le temps, ce groupe d’intermédiaires va s’étoffer au point de constituer en plusieurs points de la côte, cette classe de « princes marchands » sur laquelle va reposer la traite » (M’bokolo 1998 : 3). 

4°) - La fomentation de guerres interafricaines

Cette pérennisation s’appuyait également sur la technique de fomentation de guerres interafricaines. Kay indiquait ainsi que « Les expéditions en Afrique étaient devenues autre chose que de simples entreprises commerciales. Elles avaient un but politique, celui par exemple, de fomenter des guerres entre tribus africaines » (Bwemba-Bong 2005b : 129). Et L’auteur de mentionner le rapport Wadstrom selon lequel les razzias conduites au Sénégal étaient surtout le fait des Maures agissant pour le compte des Français qui versaient une gratification annuelle à leurs chefs et leur fournissaient gratuitement des armes à feu et des munitions. De son côté, Morenas rapporte qu’en 1780, le gouverneur anglais de Saint-Louis, pour avoir des esclaves, excita les Maures contre les Ouali en leur fournissant des armes, des munitions et autres secours nécessaires, ce qui, deux ans plus tard, a abouti à la dévastation du pays Oualo (Bwemba-Bong 2005b : 129-130).
Au point que la relation de cause à effet entre la TNTA et la généralisation des guerres en Afrique Noire n’était pas du tout celle popularisée par l’historiographie traditionnelle de cette traite, mais bien l’inverse : la TNTA ne s’était pas développée parce qu’il y avait « des guerres permanentes entre les tribus africaines », mais c’était le développement de la TNTA qui généralisait les guerres (Logossah 1998c).

5°) - L’élimination – désignation – contrôle de rois africains

La fomentation de guerres interafricaines pour pérenniser la production de captif et d’esclave, était menée conjointement avec la stratégie d’exercice du pouvoir en Afrique par personne interposée. Cette stratégie consistait pour les négriers européens à placer au pouvoir en Afrique des « rois » désignés par eux, de façon à les garder comme otage et à leur dicter leur volonté, notamment celle de les approvisionner en captifs. Bien entendu, ceux qui refusaient était éliminés.  Les portugais avaient recouru assez tôt à cette technique. Ainsi, sur la Côte des Esclaves (région actuelle couvrant le Togo, le Bénin et le Nigéria), de nombreux roitelets étaient en fait désignés par les portugais. Tels les « rois de plage » de Petit Popo (actuelle ville d’Aneho au Togo), les « rois » d’Allada (République du Bénin actuelle) à partir d’un moment donné etc.
Au Congo également, cette technique fut utilisée en 1568 à l’avènement au pouvoir d’Alvaro Ier. Celui-ci, chassé du pouvoir par les résistants Jaga suite à son alliance avec les Portugais,fut rétabli au pouvoir par les portugais (Pigafetta et Lopes 1591 : 170). Avant Alvaro 1er, la même technique fut utilisée sur le roi N’zinga Mvemba (Afonso Ier). En effet selon Pigafeta et Lopes (1591 : 151), à la mort du roi du Congo N’zinga- A-Nkuwu dit dom Joao Ier, vers la fin du XVème siècle, un conflit de succession éclata entre les deux prétendants au trône, notamment N’Zinga Mvemba, prince converti au christianisme comme feue son père et Pango, prince ayant rejeté le christianisme pour rester fidèle à la religion de ses ancêtres. Pango se trouvait à l’intérieur du pays, guerroyant contre des populations qui s’étaient rebellées du vivant de leur père.

6°) - L’érection de l’esclave en monnaie

A l’ensemble des techniques précédentes de production du captif, il faut ajouter enfin l'érection progressive et définitive de l'esclave en monnaie d'échange par les négriers européens. En effet, « Dès 1482, ils [les Portugais], y édifièrent un fort, Sao Jorge da Mina [au Ghana actuel], qui permit un grand essor du commerce dans cette région.

Paradoxalement, une des monnaies d’échange utilisée par les portugais pour obtenir de la poudre d’or était les esclaves, qu’ils ramenaient principalement du Benin » (Pinto et Carreira 1985 : 133). Ballong-Wen-Mewuda (1988) confirme également cet usage de l’esclave comme monnaie d’échange par les portugais. A partir de ce moment l’esclave allait peu à peu s’imposer comme monnaie dans les échanges d’importance : acquisition des armes et autres produits manufacturés européens. Cette pratique que Pinto et Carreira jugent « paradoxale », était en fait une œuvre de génie que les portugais réalisaient en cette fin du XVème siècle. Il apparaît ainsi que la TNTA fut un système possédant des mécanismes vitaux propres représentés par l’ensemble des techniques de production du captif présenté ci-dessus : d’abord le filhamento direct, ensuite le « dressage » d’anciens esclaves pour la chasse aux captifs, puis la création d’une classe de négriers expatriés au sein de la société africaine, la fomentation de guerres interafricaines, l’élimination et la désignation de rois des rois africains et enfin l’érection de l’esclave en monnaie.

7°) - La pérennisation de la production de captif

L’ensemble des techniques de production du captif et de l’esclave mises en place par les négriers européens et décrites ci-dessus constituait, pour les populations et les sociétés africaines, un cadre de conditionnement et d’éducation. Ces techniques étaient en effet des stimuli auxquels les comportements sociaux et individuels locaux devaient répondre. Elles proposaient une nouvelle activité économique et une nouvelle organisation socioéconomique fondée sur la production et l’usage d’un bien : l’esclave. Comme tout bien, celui-ci possédait une utilité génératrice de désir chez les agents économiques qu’étaient les populations.

Conclusion

Portant sur la traite négrière transatlantique (TNTA), cet article a pour objet de retracer le processus de production de l’esclave, bien au centre du système de TNTA, et de montrer comment ce système a été mis en place et pérennisé. Il montre que contrairement à la littérature historique classique et à une opinion largement répandue, la TNTA ne s’était pas développé à partir d’un esclavage interne africain préalable ou à partir de la traite musulmane qui l’avait précédée mais qu’il possédait des mécanismes vitaux propres. Ayant décomposé le processus de production de l’esclave, l’article montre que ce bien était produit à partir d’un input essentiel, le captif. L’analyse se concentre alors sur le processus de production de celui-ci.
Elle montre que pour produire le captif, les négriers européens avaient mis en place en Afrique subsaharienne, un ensemble de techniques combinant le rapt direct par eux-mêmes à diverses techniques par personnes interposées : le « dressage » d’anciens esclaves pour la chasse aux captifs, la création d’une classe de négriers expatriés au sein de la société africaine, la fomentation de guerres interafricaines, l’élimination-désignation de rois africains ; ces techniques sont complétées par l’érection de l’esclave en monnaie. L’article montre alors comment la dynamique résultant de la mise en place de cet ensemble complémentaire de techniques de production et l’équilibre sur lequel elle débouche à long terme avaient fini par engendrer en Afrique un nouveau système économique et social centré sur la production et la vente de l’esclave. En dominant ou évinçant progressivement les activités économiques de la période prétraite, ce nouveau système économique impose une activité majeure aux agents désireux de s’enrichir dans l’économie : la production et / ou la vente de l’esclave. Ce qui avait assuré sa pérennité.

Colloque « Esclavage dans les Antilles françaises : Avatar de la Servitude Antique ? »
CREDDI-LEAD, UAG, Faculté des sciences économiques et juridiques de la Guadeloupe,
Pointe-à-Pitre 22, 23 et 24 novembre 2012.
Source : le MIR-Réparations 




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