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jeudi 11 septembre 2014

De Niabina à Dabbé, Voyage chez les Yirlaabe, au pays du non droit




La vallée du fleuve Sénégal continue à être une zone de non droit. Les violations des droits de l’homme y sont en effet quotidiennes et l’administration et les forces de sécurité, incarnation du système raciste et esclavagiste qui régit la vie nationale, s’y comportent en territoire conquis, si non comment expliquer que deux tribus viennent faire leur loi  à Niabina, avec la complicité de l’administration, au prétexte qu’un des leurs aurait disparu dans les environs. Comment expliquer qu’un policier agresse un jeune devant témoins à Dabbé mais que c’est ce dernier qui se retrouve déféré à Aleg dans l’attente d’un jugement hypothétique, après avoir subi toutes sortes d’humiliations pendant la période de garde à vue. Il s’agit là de provocations ordinaires qui en disent long sur le déni de citoyenneté des Noirs de Mauritanie et le caractère démagogique, pour ne pas dire hypocrite, du discours des thuriféraires du régime quant à l’unité nationale. De telles pratiques si l’on n’y prend garde, iront jusqu’à remettre en cause l’existence même du pays.  

Une délégation de Touche pas à ma nationalité, conduite par son Président M. Alassane DIA, accompagné de M. Hachim DIACKO, chargé des droits de l’homme et de Souleymane KIDE, ressortissant de Niabina, est allée à la rencontre des populations de ces localités. Voici le récit qu’elle en rapporte. 

Retour sur le siège de Niabina

Samedi 02 août 2014, des centaines de voitures convergent à Niabina, village du Yirlaabe (région du Fouta) poumon de la commune rurale de Niabina – Garlol, situé dans le département de M’Bagne. Les voitures déversent une horde de passagers civils, pour la plupart, mais armés jusqu’aux dents qui installent un campement à l’entrée nord-ouest du village, à côté du collège. Pendant les deux jours qui vont suivre, le campement  ira grossissant et finira par s’installer dans l’enceinte  même du collège. Tout cela sans que les nouveaux arrivants aient pris la peine d’aller à la rencontre des habitants du village pour leur expliquer le motif de leur présence.
Au bout du deuxième jour, les habitants de Niabina n’en pouvant plus de voir parader dans les rues et ruelles du village des civils armés prêts à en découdre, envoient leurs notables s’enquérir de raisons de cette invasion qui ne dit pas son nom. C’est alors qu’on leur fit comprendre que ce branlebas de combat faisait suite à la disparition d’un jeune homme de la tribu des Oualad Ahmed du nom de Mohamed Ould Cheikh Ould Nezil. Le jeune homme a disparu à Niabina où il a très certainement été assassiné et enfoui. Pour les assiégeants, c’est une certitude.



Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les villageois leur proposent de les aider dans leur recherche. Rendez-vous est pris pour le lendemain matin à 9 heures. La recherche se déroulera dans Niabina et ses environs mais ne donnera évidemment rien. Les assiégeants, renforcés par leurs cousins des Oualad Biri et épaulés cette fois par les autorités administratives et sécuritaires régionales qui brillaient jusque là par leur silence s’en prennent alors aux ressortissants du villag. Les brigades de Bababé, de Boghé et même de Kaédi sont mobilisées pour suppléer celle de M’Bagne, réticente à être embarquée dans cette histoire pour le moins sordide. Un colonel de l’armée commandant une base militaire du côté de Boghé aurait aussi participé, en compagnie de ses hommes, au siège de Niabina, selon ce que rapportent les notables Yirlaabe

Les assiégeants, dont les plus zélés sont un député de Boutilimit et le premier adjoint au maire de Chegar, se mettent à sillonner les rues, à visiter les maisons dont ils tentent d’intimider les occupants, et vont même jusqu’à troubler le repos des morts qu’ils menacent de déterrer dans les cimetières, non seulement de Niabina mais de toutes les localités voisines (M’Botto, Haymedaat, etc…). Le wali et le procureur leur viennent en appoint : le premier avançant pour justifier l’invasion, selon les dires des notables de Niabina qui s’étaient réunis avec lui, que le disparu aurait été assassiné à 200 m du village ; quant au second, il multiplie les arrestations arbitraires, ainsi entre le jeudi 07 et le samedi 09 seront arrêtés :
Alhajji Ba et ses deux frères Mamoudou et Ablaye Ba
Moussa Sow
Thiamma  Ba (déficient mental)
Demaani  Dia
Demba Sitty
Sy Amadou Samba
Mamoudou Amadou Ba
Salif Ibrahima Gueye
Baboye Kebe
Amadou Aw

C’est seulement le vendredi 08 août, s’étant rendu compte de l’exaspération des populations locales et de leur volonté d’en découdre, que le wali somme les assiégeants d’évacuer les lieux. Mais les arrestations se poursuivront jusqu’au matin du samedi 09, jour de la réapparition miraculeuse du disparu de Niabina, dont une certaine presse avit annoncé avec force détails l’odieux assassinat.


Si cette réapparition a mis fin à un calvaire qui aura duré huit jours, aucune démarche n’a été entreprise depuis ni par les tribus impliquées, ni par l’Etat pour réparer les torts causés aux paisibles citoyens  du département. Pire, aucune enquête n’a été diligentée pour faire la lumière sur ces évènements qui ressemblent fort à un montage dont on peut s’interroger sur les véritables motivations.

L’agression de Dabbé

Le siège de Niabina n’ayant pas fini de hanter les esprits, voici qu’éclate une autre affaire, toujours dans le même département mais à Dabbé, cette fois-ci, confirmant le caractère de citoyens de seconde zone des ressortissants du Fouta. A la faveur d’un tournoi de football départemental organisé à Dabbé, les jeunes du village sollicitent, contre une somme de cinquante mille ouguiyas, l’appui du commissariat de police de M’Bagne pour les aider à assurer la sécurité des équipes participantes et du public. Mal leur en a pris. En effet, le match d’ouverture opposant Dabbé à Dawalel occasionna une bagarre entre supporters que les policiers, habitués à la brutalité, tentèrent d’arrêter par la violence. Un jeune homme du nom de Samba Amadou Datt, appartenant au comité d’organisation, et qui cherchait à éloigner son petit frère de la zone de bagarre, s’est vu stopper par un policier dénommé  Mohamed Lemine. Ce dernier ne se contentant pas de refuser d’écouter les explications de Samba, s’est acharné sur lui, lui assenant des coups de pied, rapportent les témoins de la scène.

Le policier se serait fracturé la jambe (le conditionnel est de mise, la fracture n’étant pas vérifiée) dans cet exercice et en a fait porter le chapeau au jeune Samba Datt. De fait, celui-ci a été arrêté, le 28 août, gardé à vue d’abord à Mbagne dans les toilettes du commissariat, puis transféré menotté à Bababé, où il subira le même sort, avant d’être déféré à la prison d’Aleg, où il attend un hypothétique jugement. Le policier demande une compensation financière d’un million d’ouguiyas pour retirer sa plainte, ce que la famille du jeune homme refuse, sûre d’être dans son bon droit. Mais là encore les intimidations ne manquent pas puisque, selon le témoignage de la famille, le procureur en charge de l’affaire leur aurait fait comprendre que leur fils avait nécessairement tort à partir du moment où il est confronté à un policier en service au moment des faits.  









Dr Alassane DIA

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