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dimanche 8 septembre 2013

L'édito :Litige foncier de Tachot: L’Etat piétine ses lois.



 
Le foncier reste un des domaines les plus complexes en Mauritanie et les nombreuses affaires soumises aux autorités compétentes n’ont pas fait l’objet d’un examen approfondi et approprié. Cela est volontairement entretenu par les autorités mauritaniennes qui, dès l’adoption des lois relatives aux réformes foncières ont exclu la compétence des tribunaux aux termes de l’article 7 de l’ordonnance 83.127du 5 juin 1983. Ainsi, les litiges fonciers sont du ressort des autorités déconcentrées de l’Etat qui font souvent le jeu des féodalités en raison de fortes connivences qui existent entre elles. Les évènements de Tachot semblent confirmer cette tendance.

« Au diable les marginalisés »

La marginalisation des couches défavorisées constituent le jeu favori des autorités mauritaniennes et des féodalités. Au mépris des lois de la République, cette forme d’exclusion ne fait pas l’objet des sanctions appropriées. Le conflit foncier opposant les familles Camara et Sidibé apparait comme une manifestation concrète de l’inapplication de la loi et de la connivence qui existe entre le système et les féodalités. Ainsi, les autorités administratives se sont rangées, sans autre forme de procès du coté de la famille Camara. Sans pour autant prendre le temps d’approfondir la question, lesdites autorités ont expédié cette affaire comme une lettre à la poste. Cette attitude reflète le mépris de l’Etat et des féodalités vis-à-vis des personnes marginalisées. Or, juridiquement, aucune raison ne justifie le fait de priver une personne de l’accès à la terre. D’ailleurs, officiellement l’ordonnance 83.127du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale, s’inscrit dans cette perspective.



La tenure traditionnelle de la terre favorable aux familles régnantes (féodale) avait été abolie dans le texte de l’ordonnance. Elle prévoit, en plus de la nationalisation de la terre pour permettre à tout citoyen d’en profiter, que celle-ci appartient à celui qui la met en valeur. Or, dans le cas d’espèce les autorités administratives de Guidimakha ont écarté la loi pour se contenter de maintenir leur clientèle politique. Ainsi cette disposition n’a pas été prise en compte.

S’il existe une divergence autour de la date exacte du début d’exploitation des terres en question pour les deux familles (1968-1988), il ne fait aucun doute sur le fait que la famille SIDIBE en était l’exploitant principal. Les propos de M. CAMARA confortent cette information qui confirme le prêt de la terre par sa famille. Ce qui pourrait constituer une pratique de métayage. Or, si on prend en compte les dispositions de l’ordonnance précitée, cette pratique est interdite car elle favorise le maintien des personnes victimes de la marginalisation de leur situation et n’encourage pas leur accès effectif à la propriété. Ce système dissimule des pratiques esclavagistes auxquelles se livrent des familles prétendues respectueuses des droits de l’homme. En effet, celles-ci ne sont prêtes à dénoncer les injustices que quand c’est les autres qui les commettent alors qu’elles se livrent à la pire forme d’exploitation et d’exclusion.

 Une prise de conscience progressive

Les personnes victimes de cette exclusion ont compris que pour s’affranchir de la tutelle des familles féodales, il fallait que leur accès effectif à la propriété ne fasse l’objet d’aucune entrave. Ainsi, après avoir alterné entre médiation et révolte, elles ont décidé de monter au créneau pour dénoncer leurs conditions aidées en cela avec des militants qui ont compris que toutes les formes d’injustices doivent être combattues. N’en déplaise à ceux qui ont la phobie de dénoncer les pratiques de type féodal. Le conflit foncier de Tachot n’est que la partie visible de l’iceberg. Il existe d’autres conflits qui couvent et qui risquent d’éclater à tout moment si les responsables ne prennent pas les mesures qui s’imposent.

Ces familles marginalisées doivent se rapprocher des organisations de la société civile pour se faire accompagner dans les conflits fonciers. Car l’Etat et son administration se sont montrés particulièrement inefficace. Cette prise de conscience qui a déjà commencé par la rupture avec le silence permettra à toutes les victimes de trouver un écho à leurs voix. Même si le chemin est parsemé d’embûches, les choses ont sensiblement bougé ces derniers temps et il ne s’agit là que de la première étape d’une longue série de revendications pour l’instauration de la justice dans son sens le plus large.



La rédaction du flere.fr

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