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lundi 3 juin 2013

Lettre à mon peuple


Bâ Sileye , Sociologue et Journaliste mauritanien
Bâ Sileye , Sociologue et Journaliste mauritanien 

Cher peuple, sais-tu qu’on lisait déjà dans les histoires de la Grèce antique que les aristocrates de certaines cités hellènes devaient, en prenant possession de leurs charges, prêter le serment de toujours nuire au peuple ? Il y a ainsi chez nous, depuis l’indépendance, de tels serments qui ne sont jamais prononcés publiquement, mais toujours tenus par ceux qui s’accaparent les rennes du pouvoir. Il suffit de se pencher sur la rhétorique officielle des dirigeants et des leaders politiques pour en saisir l’esprit démagogique.

En Mauritanie, tout est bâti sur le trompe-l’oeil. Le mensonge le plus impudent, disait Albert Camus, « pourvu qu’il soit répété assez souvent et assez longtemps, laisse toujours sa trace ». De ces mensonges à répétition, découle un Etat malade et incapable d’être équitable. Un Etat dans lequel la discrimination est érigée au rang de priorité constitutionnelle, notamment par le biais du système de quotas dans la fonction publique. Un Etat qui encourage le népotisme et le clientélisme. Qui ne transmet guère à ses fils la fibre patriotique, ni par son armée, ni par son histoire. Somme toute, un Etat qui ne cesse de trahir son peuple. En voici les preuves.

Les alliances ethniques, tribales et régionalistes priment sur la conscience nationale. C’est pourquoi un Président de la République est le représentant d’un groupement avant d’être celui de tous les Mauritaniens. D’où l’allégeance mesquine et secrète des chefs de tribus, des notables du Nord, et d’une partie des cadres de la vallée (le carré des vendus) aux autorités du pays. Et à l’étranger, un chef d’Etat mauritanien accorde toujours la priorité à une partie de la diaspora, au détriment de l’écrasante majorité. Par exemple, lors de son dernier voyage, Mohamed Ould Abdel Aziz a reçu en catimini des représentants d’une association maure à Bruxelles, alors qu’il a fait voyager à Paris, pour une réunion, un groupe de noirs en provenance de Hollande et de Belgique. Deux poids, deux mesures. Raisons pour laquelle depuis 1960, on a hérité d’un Etat raciste, et d’une société scindée.

Le premier président mauritanien employait l’expression « l’Union des âmes » pour évoquer la nécessité d’œuvrer pour la cohabitation nationale : pourtant, il fut le premier à exclure les cadres et intellectuels noirs de la fonction publique et les hautes sphères de l’Etat. Après lui, ses successeurs n’ont pas tergiversé pour exacerber la situation. L’un ordonna à ce que l’on applique la charia uniquement sur les Harratines et le plus cynique songea même à une épuration ethnique. Tous deux sont des héros, tandis que leurs victimes sont traitées comme des rebuts à chaque fois qu’elles revendiquent vérité et justice.

Cher peuple, aujourd’hui, c’est un autre qui te gouverne avec des manières bassement soldatesques. La justice est sous ses galons et le pouvoir concentré entre ses mains. De l’intérieur, il ne contrôle que ses affaires personnelles pour s’enrichir de tes mamelles juteuses. De l’extérieur, il te ridiculise par l’incompétence diplomatique de ses ministres. Et contre certains de tes fils, il a programmé un véritable « génocide biométrique ». Augmenter les difficultés de l’enrôlement des Mauritaniens à l’étranger est une autre façon de poursuivre le projet de son mentor Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya.

Il y a quelques semaines, c’était à Mohamed Mahmoud Ould Brahim Khalil– l’ambassadeur de la Mauritanie à Paris - d’ouvrir le bal des suspicions autour de la citoyenneté des défunts mauritaniens, pour lesquels les parents réclamaient un visa. Pour lui, Dieu ne retire-t-il pas l’âme d’un négro-mauritanien à l’étranger ?

Cher peuple, tu connais ton malheur.

Ô mon peuple, tu dois mener ton propre combat, celui de la réhabilitation de ta mémoire et de celle de tous les opprimés. Apprends de la mésaventure de notre conscience collective nationale défaillante.

Songe davantage à la prise de conscience. Popularise la lutte, entamée il y a longtemps par cette partie de l’élite que le sens de l’intérêt général anime. Choisis pour changer la donne, un noyau d’hommes et des femmes porteurs d’une éthique et de convictions.

Tu peux te libérer du joug autoritaire et oppressif. Et pour ce faire, il est urgent de transformer les mentalités pour une révolution populaire. A ce moment, le peuple aura simplement besoin d’un homme intègre et pacifiste capable de réunir les forces vives (les jeunes, les femmes avec leurs enfants, et une élite pragmatique) avec un seul slogan :
" Mauritaniens dignes... Mauritaniens égaux".
Cette révolution sera fièrement menée par les Fils du Peuple !

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