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dimanche 2 juin 2013

L'édito :Débat sur la féodalité: Hypocrisie quand tu nous tiens





Le débat sur la féodalité ou le système des castes en milieu négro-africain de Mauritanie fait rage. A en croire les sorties de nombreux mauritaniens, ce débat « est nul et non avenu ». Mais de quoi parle t-on exactement. Il ressort de l’analyse des différentes interventions qu’il s’agit d’une injustice mais que celle-ci doit être reléguée au second plan. A tel point que ceux qui s’aventurent à imposer ce débat sont considérés comme « des diviseurs » de la communauté négro-africaine ou promoteurs des Harratines ou les excités du net. Sur cette dernière critique il faut admettre que le combat sur le terrain n’a jamais été la qualité dominante des mauritaniens. Ceux-là mêmes qui parlent d’excités du net en usent et en abusent.
En plus, en font une arme de destruction contre ceux qui ont compris que le problème mauritanien est beaucoup plus complexe que ce qu’on veut nous faire croire. Une tentative de dissuasion qui rappelle les méthodes utilisées par le système raciste mauritanien qui accuse de racisme toute personne qui dénonce les discriminations et exclusions qui font figure de règle dans le pays. Pourquoi alors cette problématique ne devrait pas être abordée au même titre que les autres ? 

La féodalité engraisse le système

 L’organisation sociale de chaque société ne peut faire l’objet de critique que si elle est fondée sur la hiérarchisation entre les différentes catégories qui la composent. En Mauritanie, outre, le racisme, l’esclavage, le système des castes dans le milieu négro-africain n’est guère moins stigmatisant.
Selon Doudou DIENE dans son rapport sur les formes contemporaines de racisme, d’exclusion… : « la société mauritanienne est traversée en profondeur par des pratiques persistantes de discrimination de nature ethnique et raciale, ancrées dans les traditions culturelles et prégnantes dans les structures sociales, les principales institutions de l’appareil d’État mentalités. » (Rapport du 16 mars 2009, page 2). Il rajoutera aussi la profondeur culturelle et sociale du système des castes. L’organisation sociale en elle-même ne constitue pas un problème, elle peut même être, à bien des égards une source de richesse et d’originalité. Mais le fait de se servir de celle-ci pour hiérarchiser la société à tel point que certaines catégories soient exclues de la gestion des affaires publiques, constitue le fondement d’une injustice intolérable qui devrait faire partie des principales préoccupations des mauritaniens.
C’est partant de là, que le régime mauritanien s’est toujours servi et se sert encore de ce système de castes pour maintenir sa domination sur l’ensemble des composantes, y compris celles qui s’adonnent à cette injustice. Dès lors, qu’on ne remet pas en cause cette connivence entre les forces féodales dans certaines villes et le régime mauritanien, on ne verra pas l’émergence d’un véritable Etat de droit.
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’esclavage rappelle, dans son rapport sur la Mauritanie, le paradigme d’origine sociale dans les institutions de l’Etat. « La Rapporteuse spéciale a ainsi eu connaissance d’une situation où un membre de la communauté soninké appartenant à une caste inférieure a été nommé Ministre mais sa propre communauté a refusé de le reconnaître. Cela montre que, même lorsque le Gouvernement a eu recours à la discrimination positive, les bénéficiaires ont rencontré des difficultés car certaines communautés ont refusé d’abandonner leurs vieilles idées traditionnelles concernant l’esclavage fondé sur la caste. » (Rapport sur l’esclavage en Mauritanie 24 aout 2010 page 14). La prégnance de l’idée de supériorité de certains sur d’autres handicape fortement la naissance d’une société égalitaire et constitue un obstacle dans le combat pour une Mauritanie juste.
L’Etat s’est greffé sur le système de caste qui est antérieur à sa création pour maintenir sa clientèle politique. Ainsi, depuis les indépendances à nos jours, les responsabilités aux plus hautes fonctions de l’Etat sont confiées à des personnes considérées comme d’ascendance noble. Pendant ce temps, les membres des castes considérées comme inférieur, malgré leurs mérites, ont du mal à se faire une place dans les institutions de l’Etat. Les nombreuses nominations auxquelles procèdent les autorités mauritaniennes montrent clairement qu’elles ont compris que, quelque part aussi, nous surfons sur la même vague.
Cela n’a semblé choquer personne et les pseudos militants des droits de l’homme et les partis politiques ne se sont guère intéressés à cette forme d’injustice. Telle ne semble pas être leurs priorités. En effet, dans le combat mené par les partis politiques mauritaniens, il est relativement aisé de constater que la course à la conquête du pouvoir prime sur la mise en place d’un projet de société qui promeut une égalité dans son approche la plus globale. Car, il est admis qu’on ne peut pas combattre une injustice de manière partielle et partiale.
Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit d’un problème social et non juridique car, le droit résulte souvent de la nécessité de réglementer les rapports sociaux. En effet, la plupart des textes de lois ne sont que la transposition d’une norme sociale en règle juridique. Le législateur mauritanien peut ainsi s’intéresser à ce phénomène pour légiférer en matière de lutte contre toutes les formes de discriminations en mettant en place des garde-fous pour renforcer la discrimination fondée sur l’origine sociale.

 La théorie du complot

La chose la plus frappante dans ce débat est la réaction hostile de certains mauritaniens. On en vient à penser que dénoncer une injustice devient plus grave que l’injustice elle-même. Une solidarité de façade semble se construire pour combattre ceux qui s’indignent contre cette forme d’exclusion.
Pour faire court certains parlent de manipulation et crient au complot. Il faut leur rappeler qu’il ne s’agit là que d’une prise de conscience d’une injustice qui n’a que trop durer. Faut-il fermer les yeux devant une injustice fondée sur l’idée de supériorité des uns sur des autres ? La plupart de ceux qui dénoncent cette injustice sont issues de la communauté elle-même, mais ils ont réussi à transcender leur appartenance communautaire pour ne voir que la stricte vérité. Dire les choses telles qu’elles sont ne fait jamais de mal. Simplement tel n’est pas le cas pour les mauritaniens qui ne veulent pas que l’accent soit mis sur l’instrumentalisation du système de castes, instrumentalisation qui fait les affaires du régime et de ses sbires.
L’approche qui consiste à crier à la manipulation et à la volonté de division parait trop simpliste pour empêcher ceux qui sont animés de bonne volonté d’aller au bout de leur raisonnement. Beaucoup de personnes victimes de cette forme d’exclusion accumulent au fond d’eux une grande frustration et ressentent une forme de gène de porter de telles revendications au risque d’être traité de complexé comme dirait l’autre. Il importe d’être à leur écoute et de faire des propositions concrètes pour que leur accès aux plus hautes fonctions de l’Etat ne soit plus entravé. A ceux qui accusent les initiateurs de ce débat de faire les affaires du système, ils doivent se rendre à l’évidence que le régime se nourrit de ces injustices et le seul moyen de le mettre à terre c’est d’en finir avec cette injustice. 

La rédaction du flere.fr
Source:flere.fr

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