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jeudi 23 mai 2013

Interpellation adressée au Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération par la députée Kadiata Malick Diallo


Monsieur le Ministre 
 
Les ressortissants mauritaniens vivants à l’extérieur particulièrement en France sont confrontés à de graves problèmes liés aux conditions d’enrôlement qui leur sont spécialement imposées (exigence de présenter une carte de séjour) et à la notification par l’Ambassadeur de Mauritanie à Paris aux autorités préfectorales françaises de l’invalidité des anciens passeports alors même qu’ils sont incapables de se procurer encore les passeports biométriques. Cette situation fait courir à nos concitoyens des risques énormes de se retrouver en situation d’illégalité, de perte d’emploi et même de citoyenneté mauritanienne.
En conséquence, je vous prie Monsieur le Ministre de nous expliquer cet état de fait et de nous rassurer quant aux mesures que vous pourriez prendre pour mettre fin au calvaire de ces citoyens.
 
Développement de la question objet de l’interpellation
 
L’opération d’enrôlement des citoyens engagée depuis deux ans n’a pas fini de faire parler 
d’elle du fait des conditions calamiteuses dans lesquelles elle a été engagée et poursuivie, provoquant énormément de contestations et de protestations qui ont engendrées même la mort d’un adolescent Lamine Mangane. Aujourd’hui encore beaucoup de citoyens continuent à se plaindre et à dénoncer les obstacles dressés devant eux pour se faire enrôler mais je repose cette fois-ci le problème sous-forme d’interpellation à cause des risques et des conséquences incalculables que cette opération fait courir à nos compatriotes vivant à l’extérieur, si on ne prend pas des mesures urgentes pour redresser la situation.
L’enrôlement a été entamé en France avec la tare congénitale de conception qu’on a toujours dénoncée qui consiste à considérer que personne n’est plus mauritanien et qu’il le deviendra seulement une fois qu’il se fera enrôler. Et comme il n’y a pas de procédure arrêté à laquelle tout le monde doit se soumettre, les conditions varieront en fonction du lieu d’enrôlement, du type de population à recenser et du responsable de l’opération. Vous vous rappelez sans doute qu’après beaucoup de critiques et de protestations au début de l’opération l’Administrateur Directeur Général a été obligé de venir à la télévision nationale et de présenter oralement une procédure en insistant sur le fait que tous les mauritaniens seront recensés et il les divisera en quatre catégories :
- Ceux qui ont un acte de naissance et la carte d’identité issus du Ranvec ;
- Ceux qui ont l’un ou l’autre des actes ;
- Ceux qui ont les anciennes pièces d’Etat-civil (avant le Ranvec) ;
- Ceux qui n’ont aucune pièce et qui seront identifiés à partir de leurs parents et proches.
Il est seul à savoir et à pouvoir décider à quelle période telle ou telle catégorie sera admise à l’enrôlement et malheureusement on parle beaucoup d’un durcissement de l’opération ces derniers temps.
En France, un seul bureau a été ouvert pas seulement pour toute la France mais pour toute l’Europe et les candidats à l’enrôlement sont obligés donc de venir de très loin et très tôt (à 4h ou 5h du matin) pour faire la queue. Les mauritaniens vivants en France feraient à eux seuls 20 000 à 30 000 et la commission n’enregistre pas plus de 40 personnes par jour. Je pensais sérieusement que le démarrage tardif de l’enrôlement à l’extérieur devait permettre une meilleure préparation de l’ opération mais j’ai été surprise de voir qu’on a fait que transposer à l’étranger les méthodes déjà difficilement acceptables ici, sans tenir compte des contextes très
différents (manque de temps, contraintes de travail, d’études, conditions atmosphériques rudes et de longues files d’attente, femmes et enfants compris occupant la voie publique avec ce que cela pose comme désagrément pour le voisinage) ; alors qu’on pouvait bien profiter du degré de développement et d’organisation de ces pays.
Il est par ailleurs exigé de chaque candidat de présenter en plus des actes demandés à l’intérieur du pays la carte de séjour délivrée par l’autorité du pays d’accueil (ce qui n’est pas demandé en Arabie Saoudite ou en Côte d’Ivoire par exemple). Et au moment même où ces concitoyens se battaient contre ces conditions inacceptables, l’Ambassadeur communique aux autorités préfectorales françaises l’invalidité des anciens passeports. Est-ce que vous mesurez les conséquences d’un tel état de fait ? Impossibilité de se faire établir une carte de séjour et se retrouver dans l’illégalité et donc perte d’emploi dans les conditions de crise en Europe et pire impossibilité de se faire enrôler pour obtenir son état-civil et par conséquent perte de nationalité. Vous comprenez alors l’indignation et la colère de ces mauritaniens qui au lieu d’être aidé par les
autorités de leur pays pour faire face aux énormes difficultés de l’exil sont ainsi maltraités par celles-ci malgré l’esprit d’ouverture dont ils ont fait preuve dans les négociations.
La question qu’il faut se poser est pourquoi leur exige-t-on la carte de séjour ? Est ce parce qu’on doute de leur citoyenneté mauritanienne ? Ou est ce pour attester comme on semble le dire que la personne réside bien à l’étranger ? Cette exigence est loin d’être pertinente pour l’un et pour l’autre cas. En quoi un acte établi par une autorité d’un pays étranger peut-il confirmer la nationalité de quelqu’un alors même que cet acte est délivré sur la base de l’acte national mis en doute ? L’enrôlement étant biométrique la résidence n’a plus d’importance. Alors Monsieur le Ministre la question est encore sans réponse pour moi. Il y a donc urgence à trouver avec nos ressortissants en France des solutions convenables et leur éviter des situations qui pourraient être dramatiques.
La question de fond, même si on ne l’a pas déclarée, semble être le doute qui pèserait sur certains d’avoir obtenu une autre nationalité qui leur ferait perdre la nationalité mauritanienne. On ne peut s’empêcher alors de demander pourquoi ce doute ne se porterait que sur les Mauritaniens installés en Europe et pas dans les autres pays.
Dans tous les cas cette situation repose pour les mauritaniens contraints de vivre à l’extérieur la possibilité d’avoir une double nationalité. En effet la loi sur la nationalité l’autorise de manière injuste parce qu’elle est obtenue par décret présidentiel (l’appréciation ainsi laissé au président permet d’accorder un avantage de cette importance à un tel et d’en priver un tel autre) au lieu d’être un décret avec des critères précis faisant respecter l’égalité des citoyens. Le problème de la constitutionnalité de la loi sur la nationalité mérite d’ailleurs d’être soulevé au Conseil Constitutionnel. En tout état de cause je pense qu’il est vraiment indispensable de réviser cet aspect de la dite loi pour corriger cette injustice d’abord et permettre ensuite à ces milliers de Mauritaniens qui se sacrifient pour vivre et faire vivre les leurs et qui contribuent de manière considérable au développement socio-économique de leur pays (l’essentiel de leurs revenus est transféré ici sous forme d’investissements, de transfert de devises etc.) et leur éviter des situation déplorables comme celle de ce compatriote tué récemment en Angola et qui n’avait plus sur lui des papiers mauritaniens.
En conclusion, je demande à notre auguste assemblée de prendre une motion demandant purement et simplement au gouvernement la suppression de l’exigence de la présentation de la carte de séjour qui est une pièce étrangère pour l’enrôlement de nos ressortissants en France.
Je vous remercie
 
Source: Moro Sidibé

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