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vendredi 26 avril 2013

Sentiments de révolte

 
Pour revenir encore et encore sur ce que les médias ont appelé l’affaire « Aziz-Mamère », un éditorialiste de chez nous est allé chercher très loin, des « sentiments mitigés » provoqués par deux faits qui n’ont rien à voir avec l’actualité brûlante de chez nous : La libération des otages français par la secte islamiste Boko Haram et l’attentat de Boston.
 
Acte heureux, d’un côté, et malheureux, de l’autre, certes, mais ils ne sauraient occulter chez, nous, la grève des dockers du Port autonome de Nouakchott dit Port de l’Amitié, et la sévère répression des forces de l’ordre qui s’en est suivie.
Il y a un sentiment de révolte quand on voit que les médias et les réseaux sociaux qui, habituellement, saisissent la moindre manifestation, le moindre cri de protestation d’un individu dépossédé d’un terrain à usage d’habitation, pour l’amplifier à outrance, n’ont que très peu accordé de l’importance au désarroi de ces dockers, noyés dans un déluge de gaz lacrymogène, blessés et arrêtés parce qu’ils refusent d’être – toujours – « les esclaves des temps modernes », pour emprunter une expression d’Albert Memmi. On préfère évoquer le « mépris » qu’ont les médias occidentaux pour les dirigeants et pays africains, disant qu’on peut bien parler de l’un en pensant à l’autre, plutôt que dénoncer (ou au moins s’interroger) sur l’usage excessif de la force contre des dockers qui manifestaient pour demander de meilleures conditions de vie et de travail. Et qui pensaient que le « président des pauvres » allait leur envoyer l’un de ses conseillers pour leur dire que leurs cris de détresse ont été entendus, et non pas des gendarmes et des gardes qui ne connaissent que le langage de la force.
Les incidents du PANPA tirent pourtant l’alarme sur les dérives possibles. Les menaces proférées par l’un des meneurs de la grève donnent froid au dos. Elles sonnent plus fort, plus vrai, que celles que la Coordination de l’opposition démocratique (COD) a jusque-là prononcées. « On a compris maintenant que les haratines, les esclaves ne sont rien ». Personne ne s’occupe d’eux dans un pays où ils se sentent désormais comme « les damnés de la terre » de F. Fanon. Ils ne doivent compter que sur eux-mêmes pour obtenir leurs droits de citoyens. Ils le comprennent maintenant, et ils le disent. Naïvement, l’un d’eux déclare qu’ils ne sont plus enclins « à décharger des marchandises pour Mohamed Ould Cheïkhna », l’ancien commandant de l’armée et ancien putschiste au sein des « Cavaliers du Changement » devenu patron du très juteux Bureau d’embauche de la main d’œuvre portuaire (BEMOP) que les dockers rendent responsable de leur calvaire. Lui et les intermédiaires.
Le pouvoir doit comprendre que les revendications sociales sont plus dangereuses, plus pernicieuses, que les oppositions politiques. Surtout quand ceux qui manifestent appartiennent à une seule catégorie sociale et que leurs revendications ramènent au dehors des réminiscences d’un passé qui est encore présent.
Sneiba

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