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mardi 16 avril 2013

La féodalité et le Juge nous ont spoliés de notre terre à Barkeywel



Nous voulons, à travers cette lettre, interpeller les autorités compétentes et l'opinion publique nationale et internationale sur l'injustice manifeste et l'arbitraire caractérisé dont nous sommes victimes; le Juge nous a spolié de la terre (Lieu-dit "Boulehrath", Moughataa de Barkeywel) qui nous a vu naître, que nous avons toujours travaillée et que travaillaient nos ancêtres depuis plus d'un siècle au profit d'un individu qui l'a revendique prétextant  que notre père fut son esclave.
              La terre en question est une terre agricole que notre père, Mohamed Ould Amar, cultivait pour nourrir ses enfants (Sidi Ould Amar, 75 ans, Mohamed Salem Ould Amar, 62 ans et Elhacen Ould Amar, 70 ans; les deux premiers sont visibles sur la photo). Mais, pour le dénommé Mohamed El mokhtar Ould Khatra, alias Hakka, cette terre est la propriété de son père, feu Mohamed Mahmoud Ould Khatra. Nous nous rappelons bien de ce Ould Khatra qui nous rendait régulièrement visite et qui prétendait être notre maître et celui de notre père. Il venait à chaque moisson et repartait avec la moitié de la récolte comme le font tous les maîtres d'esclaves qui sévissaient dans les différents oueds de la région. Mais ce qui est remarquable dans cette affaire est le fait que Ould Khatra n'a jamais habité Boulahrath. Il réside à Diouk, localité située dans la Moughataa de Guérou. Il n'a jamais travaillé cette terre et ne faisait que cueillir le fruit du travail des autres sous prétexte qu'ils furent ses esclaves.
              Pour revenir au litige actuel, il se trouve que notre père, feu Mohamed Ould Amar, avait autorisé la dénommée Bayka Mint Mahmoud à cultiver un lopin de sa terre. Après Bayka, sa fille, Lezeiba Mint Soueilem, l'avait aussi cultivée. Après la mort de ces deux femmes, la fille de Lezeiba, Rakya Mint Bilal, a prétendu que son fils, Abdellahi Ould Fati, avait acheté la moitié du lopin en question à Mohamed Elmokhtar Ould Katra (qui tient son titre de propriété du fait que notre père fut esclave du sien).Quand nous eûmes vent de cette vente, nous contactâmes Rakya pour lui rappeler que la terre nous appartenait et que notre père l'avait seulement prêtée à sa grand mère et que personne ne pouvait en disposer sans notre consentement.
              C'est Ould Khatra qui porta l'affaire devant le juge de Barkeywel. Nous expliquâmes au Juge que cette terre appartenait à notre père qui tirait sa propriété des aménagements qu'il y fit, de sa mise en valeur depuis plus d'un siècle et ce selon la règle de base qui dit que "la terre appartient à celui qui la met en valeur". Nous lui expliquâmes que nous sommes nés sur cette terre et que nous y vécûmes jusqu'à cet âge avancé et y avons investi le travail de toute une vie malgré les sécheresses, les invasions de criquets et autres fléaux naturels. Comment alors comprendre que quelqu'un d'autre puisse avoir le droit de la vendre et d'en disposer juste parce qu'il prétend être le fils de celui qui prétendait être le maître de notre père.
              Pour le plaignant, la terre appartenait à son père qui l'a confiée à ses esclaves (allusion à notre père et à  Bayka).
              Le Juge demanda à chacune des deux parties de produire des témoins à l'exclusion de tous documents ou écrits et en précisant que chaque partie assisterait à la consignation des témoignages de la partie adverse.
              Pour ce qui nous concerne, nous avons présenté 13 personnes ayant, toutes, côtoyé notre père et attestant de notre attachement à cette terre. Le Juge les a toutes déclarés recevables et en a consigné les témoignages en la forme convenue.
              Quant à la partie adverse, elle produisit une liste de noms dont la majorité des porteurs n'est plus de ce monde et que le Juge a récusée tout à fait logiquement exigeant la présence physique de tous les témoins comme convenu.
              Mais que ne fut pas notre surprise quand, quelques jours plus tard, nous apprîmes que Ould Khatra avait présenté dix témoins que le juge avait agréés en notre absence. Parmi les noms de ces prétendus témoins au moins trois correspondaient à des personnes décédés et un à une dame très âgée et aveugle qui habite Nouakchott et dont les fils ont démenti le fait qu'elle ait pu aller témoigner. Les autres sont de nouveaux venus et ne connaissent rien à l'histoire de cette terre.
              Mais nous comprendrons la raison de cette volteface quand nous apprenons, de sources particulières, que notre adversaire avait été l'hôte du juge Mahfoudh Ould Mohamed Lemine et que ce dernier avait accepté l'invitation du premier à passer une journée à ses frais à Boulehrath!
              C'est ainsi que le Juge avait fini par rendre son verdict en faveur de Mohamed Elmokhtar Ould Khatra lui octroyant la terre sur laquelle nous travaillons. Nous apprendrons plus tard que le même juge aurait voulu rendre son jugement exécutoire pour nous chasser manu militari de notre terre si ce n'était l'intervention du Préfet qui obtint qu'on puisse finir la saison agricole que nous avons déjà commencée. Mais c'est maintenant la deuxième saison que nous ne semons plus alors que cette terre est notre gagne pain unique. Nous ne pourrons pas envisager l'hypothèse d'en être privés la saison prochaine.
              Evidemment, nous avions interjeté appel contre ce jugement inique et partisan. L'appel a été introduit près la cour de cassation de la capitale de l'Assaba depuis le mois de Ramadan mais il est pour le moment resté sans réponse. Toutes les portes commencent à se refermer devant nous et nulle part dans cette République une main ne veut nous secourir. Nous continuons pourtant à vouloir régler cette question par les voies pacifiques mais nous commençons à prendre conscience de la vraie discrimination.
              Aux autorités compétentes, au Président de la République, au Ministre de la Justice, à l'Administration et aux Organisations de défense des droits de l'Homme nous lançons un appel pressent pour nous venir en aide. Nous sommes des hommes libres et personne ne peut disposer de nos biens ni de nos corps sous prétexte qu'il tenait notre père en esclavage. L'évocation d'un tel prétexte est un aveu de culpabilité et devrait faire honte à son auteur plutôt que le servir devant la justice. Nous dénonçons ici la collusion et la connivence entre la Justice et les forces féodales en vue de nous spolier de notre unique gagne pain en violation de la Chariaa et du code pénal en vigueur.
                                                                                                                   Sidi Ould Amar
                                                                                                                  Mohamed Salem Ould Amar
                                                                                                                   Le 16 avril 2013

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