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mardi 19 février 2013

“Tribus contre la justice” !

 Marches en faveur de Rahme Mint Legreïvy : Qui soutient Salma et ses enfants ?
La dernière affaire d’esclavage présumé à Chegar et qui a vu un juge d’instruction ordonner la mise en dépôt d’une femme d’une « bonne naissance » est en train de donner une image assez exécrable de notre pays. Elle nous met dans la tête de peloton des pays en voie de disparaître. Non pas parce que des cas d’esclavage, fait criminalisé par toutes les lois du pays, ont été soumis à la justice, mais parce que des justiciables font appel à leur force réelle ou supposée et à leur « prestigieux » statut social (réel ou supposé aussi) pour faire obstruction à l’application de la justice. Alors que de pauvres mauritaniens sont, quotidiennement, déférés en prison pour moins que rien comme le vol d’un portable, l’envoi d’un sms par erreur ou la subtilisation d’un poulet sans que ciel ne tombe sur terre, la mise en dépôt d’une femme accusée de crime d’esclavage est en train de prendre une tournure grave. Sous les yeux protecteurs d’une administration et d’un service de sécurité. La collectivité est trop respectable pour ne pas être titillée par les forces coercitives de l’État !
En fait, que ce soit à Chegar, Nouakchott, Akjoujt ou Nouadhibou, les « proches » (réels ou supposés) de l’esclavagiste présumée ont battu le pavé, non pas en solidarité avec la leur (ce qui est leur droit incontestable), mais pour condamner le fait même que la justice se soit saisie du cas et d’avoir osé déposer « une femme d’une si prestigieuse naissance en taule » ! Ils n’exigent pas moins que la relaxe pure et simple et illico presto de la fille de la noblesse ! Les esclaves présumés, eux, peuvent aller paître dans les tréfonds de la géhenne de l’injustice des nuits des temps.
En d’autres termes, réduire des gens en esclavage serait acceptable, surtout si le « jouisseur » est d’une bonne naissance. Surtout que ceux de la bonne ascendance ne sont pas des justiciables ordinaires, sauf dans des cas rares. Surtout aussi s’ils peuvent se prévaloir de l’appui indéfectible d’une panoplie de colonels et d’une brigade de hauts cadres et d’administrateurs en embuscade pour défendre les intérêts et la renommée du « groupe » ! L’Eta ne doit pas faiblir. Un État où les sujets s’insurgent, impunément, contre le fait même que la justice instruise une plainte contre des citoyens censés être ordinaires et normaux, creuse, lui-même, par son silence et son inertie, la tombe de sa déconfiture. Surtout que toutes les couches du pays, notamment celles présentées comme vulnérables et faibles, subissent les affres de l’injustice depuis des décennies sans qu’aucune mouche ne bronche. La justice en Mauritanie est ce qu’elle est. Personne n’en est satisfait, car elle ne répond pas à l’objectivité, la neutralité et la clairvoyance que nous attendons d’elle. Mais c’est elle que nous avons. Donc nous sommes appelés, tous, à la subir un jour.
Le seul remède que nous devons opposer à cet état de notre appareil judiciaire est de le contester dans sa forme d’organisation et dans les procédures de recrutement de ses cadres. Tout comme la révision et la mise aux normes de la gestion de son service. Ensuite, il nous reviendra d’être objectifs avec nous-mêmes en chassant de nos têtes toute idée de supériorité acquise à la naissance pour mériter une « justice » digne de ce nom. Donc, soyons justes avec les autres et croyons aux valeurs qui soutendent la justice et l’égalité, si l’on aspire à être bien traités.
Et pour revenir à la question de fond, ameuter des personnes à travers tout le pays pour contester, publiquement, une décision judiciaire est tout simplement incompréhensible. C’est peut-être dû au fait de l’inconsistance de nos « juges » dans leur traitement des cas présumés d’esclavage. N’arrivant pas à entretenir une jurisprudence qui pourrait rassurer, ils libèrent quand il faut condamner ou tentent de condamner s’il faut, peut-être, seulement amender, à moins de classer le dossier sans suite alors que les présomptions sont tellement pertinentes... Les cas de R’Kiz, de Guerrou et d’Atar sont autant de cas de non...jurisprudence !
Que sentirait la descendance de la famille qui prétend avoir été soumise, plus de soixante ans durant, aux affres des fers de l’esclavage, face à cette aveugle solidarité de caste voulant la maintenir dans un statut d’infériorité dans un État qui se dit moderne ? Que devons-nous, en tant qu’être humains doués de raison et attachés aux valeurs d’égalité, de droit et d’humanisme, sentir face à cette grave cabale contre le bon sens humain, le droit et l’égalité citoyenne ? Où sont les oulémas qui nous tympanisent de valeurs de l’islam et incitent nos enfants à aller croiser le fer contre les croisés en soutien à nos frères musulmans au Mali ? Ceux qui prétendent avoir été réduits en esclavage par un ordre social pire que le colonialisme, ne sont-ils pas, même s’ils ne récitent aucune sourate du Coran, nos frères en Islam ? Ne méritent-ils pas une seule petite fatwa qui convaincra les ultraconservateurs qui bannissent l’esclavage dans leurs propos publics (tout en le pratiquant chez eux) de renoncer à exercer tant de pression pour faire obstruction à la justice ? Ou est-ce toujours la politique de la fatwa sélective et orientée au service d’une race de musulmans au détriment d’une autre ? En tout état de cause, personne n’est au dessus de la loi, fût-il l’enfant aîné des rayons du soleil et la prunelle des yeux de Nefartiti ! Dans ce cas, comme dans tant d’autres, la forme de la justice doit passer le plus normalement, comme il s’en passe autant sous ces misérables cieux poussiéreux de cette République en lambeaux !
Amar Ould Béjà

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