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dimanche 24 février 2013

La Mauritanie en première ligne

 

Afrique Les Mauritaniens regardent le Mali avec anxiété

GENÈVE DE NOTRE ENVOyÉE SPÉCIALE
Directement concernée par la guerre au Mali, la Mauritanie fait profil bas, mais elle risque de subir les conséquences directes de l’intervention française : c’est chez nous que les islamistes dispersés viendront se réfugier… »
Abidine Merzough, ingénieur de formation, vivant en Allemagne mais effectuant de nombreux séjours dans son pays, suit de près l’évolution de la situation au Mali, même si l’essentiel de son combat personnel se joue ailleurs : lui, il a voué sa vie à dénoncer la situation d’esclavage que connaissent les Mauritaniens noirs. Alors que le cas de la Mauritanie va être examiné par la Commission des droits de l’homme de l’ONU qui entame sa session à Genève cette semaine, Abidine Merzough a participé à un « sommet parallèle » consacré aux droits de l’homme et à la démocratie, organisé à Genève par UN Watch, une ONG qui tient à replacer sous les projecteurs plusieurs crises oubliées : l’Iran, le Tibet, le Pakistan, le Soudan, l’Est du Congo et même Cuba.
Estimant que la loi de 2007, qui abroge l’esclavage et place sur le même pied, en théorie, tous les citoyens de la République islamique de Mauritanie, n’a jamais été réellement appliquée, Abidine Merzough se bat pour sensibiliser l’opinion internationale au sort réservé à ses compatriotes noirs. Il rappelle qu’au-delà des apparences la population de Mauritanie est mélangée : « Les Maures monopolisent les postes importants, dans l’armée, l’administration, les affaires et se considèrent comme une majorité. Mais en réalité, les “Maures blancs” ne représentent qu’un quart de la population. La confusion vient du fait qu’au sein de toutes les familles maures vivent les “Haratins” . Ces Noirs représentent 50 % de la population, mais ils sont confondus avec les Maures car ils partagent la même culture, le même langage, la même religion, un islam sunnite de rite malékite et souvent les familles blanches et noires vivent sous le même toit ».
Pour Merzough, lui-même Haratin d’origine, la différence se résume aisément : « Les uns sont les maîtres et les autres des serviteurs dépourvus de droits. Toutes les tâches domestiques leur sont dévolues, la famille “blanche” se repose sur ses domestiques noirs pour tout, amener l’eau, cuisiner, nettoyer, cultiver… En principe certes, les Haratins peuvent, s’ils le veulent, quitter la maison de leurs maîtres. Mais dans ce cas, ils se retrouvent dépourvus de moyens et de logement. La réalité de leur situation, c’est qu’ils sont exclus de la richesse et du pouvoir. On les retrouve aussi dans l’armée, mais ils ne seront jamais officiers… »
Les Haratins ne sont pas les seuls Noirs du pays, qui accueille d’autres groupes négro-africains (Peuls, Wolofs et Soninke). Apparentés à leurs voisins sénégalais, ils représentent 25 % de la population et sont aussi victimes de discriminations.
Malgré l’abolition officielle de l’esclavage, Abidine Merzough, dont les parents étaient des Haratins, estime qu’au sein des familles mauritaniennes on trouve encore des Noirs en captivité : « L’an dernier, nous avons traversé le pays d’Est en Ouest sur 1000 km et à chaque étape de cette caravane, nous avons tenu des meetings, demandant aux esclaves de refuser leur situation. Six d’entre eux sont sortis du rang, et nous avons demandé en vain aux autorités de les protéger »…
La population, qu’elle soit blanche ou négro-africaine, suit de près l’évolution de la situation au Mali mais Merzough décrypte le double langage : d’un côté, les autorités, par la voix du président Mohamed Ould Abdelaziz, se déclarent solidaires de l’intervention française ; mais nul n’est dupe : « Parmi les islamistes traqués, il y a des Algériens, des Mauritaniens, des Sahraouis. Chacun sait que, s’ils sont défaits par l’intervention française, ces hommes vont se replier et se réorganiser chez nous… De plus, l’opposition est hostile à la participation de troupes mauritaniennes tandis que la population, elle est absolument opposée à la guerre. » Merzough y voit l’influence des prêches dans les mosquées : « Chaque semaine, les imans, sans être inquiétés, assurent que la France mène au Mali une nouvelle croisade et que le devoir de tout vrai musulman est de s’y opposer. Les autorités veulent rester neutres, mais les fidèles assurent qu’ils sont solidaires des “frères” ».

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