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mercredi 27 février 2013

Humeur : à Paris, la Mauritanie d’en haut compte celle d’en-bas




7h00 du matin, après une courte nuit de sommeil, je me rends d’un pas décidé à l’ambassade de Mauritanie afin d’y être « compté », recensé, enregistré. Sur le chemin qui me mène à ce lieu de comptage qu’est devenue la maison officielle de la Mauritanie en France, mon esprit ne peut s’empêcher d’échafauder des scénarios chargés de rebondissements, et toujours à la conclusion desquels les agents recenseurs si ce n’est agents censeurs, me notifient l’impossibilité, pour mille et une raisons, d’être définitivement marqué au fer rouge. Car c’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui en France pour les Mauritaniens d’en bas : patienter dans le froid ankylosant de Paris, tels de vulgaires chevaux de course, dans l’espoir d’être douloureusement marqués au fer rouge.

Il me faut tout de suite dire que face au spectacle d’indignité et de désolation offert par la représentation officielle aux passants, en laissant des Mauritaniens et donc des frères (pour la plupart issus des franges marginalisées de la population mauritanienne) s’enraidir les membres dans un froid sibérien, mon premier réflexe d’être humain a été d’observer, de poser des questions, souvent désabusées, avant de renoncer au projet qui m’avait conduit de bonne heure à l’ambassade. Au nombre incommensurable de personnes entassées comme du bétail sur une petite parcelle de trottoir et surveillées avec inquiétude par la police, se superposaient les regards interrogatifs des riverains de la rue Montévidéo, interpellés par les cris, les disputes, le raffut, en somme le désordre initialement produit par le manque d’organisation et l’amateurisme insurmontable d’une pseudo-représentation mauritanienne en France. Et comme si l’humiliation infligée à leurs compatriotes mauritaniens, doubles marginalisés de France ne leur suffisait pas, les (re) censeurs et autres potentats locaux se sont déchargés leurs obligations en chargeant les membres soumis de la « plèbe », les réceptionnistes de substitution recrutés dans la « masse », de dresser des listes de noms (colonne femmes/colonne hommes), des listes d’émargement censées garantir un semblant d’ordre dans ce qu’il faut bien appelé le « spectacle honteux et indigne » du marquage au fer rouge : indéchiffrable spectacle de désolation.

Triste empire de l’incertitude, du hasard, du désordre, de l’arbitraire : voilà ce que, pour de nombreux mauritaniens, l’ambassade de Mauritanie en France est devenue. Et face à l’attitude hautaine et au comportement autiste de celles et ceux qui habitent cette demeure, les « en-bas du bas » de la Mauritanie (en France) attendent résignés et défaits, d’être publiquement accueillis ou intronisés, exclus ou éjectés du club-Mauritanie par de petits tyrans et potentats intellectuellement indigents.

Comment, à partir de cossues villas Nouakchottoises, organiser une procédure de recensement aveugle, aux critères largement arbitraires, à destination de populations dont on ne sait quasiment rien sinon qu’elles participent leur manière de la revitalisation de l’économie mauritanienne. On ne peut qu’être indigné, attristé, révolté face au mépris dont les politiques font preuve à l’égard de femmes et d’hommes dont le seul tort est de vivre à l’étranger, en quête, pour eux et leurs familles, d’une vie meilleure que la terre natale n’a pas su offrir.

Sidi, témoin indigné d’un spectacle de honte.
Source : Souleymane Niang

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