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lundi 4 février 2013

Dinky Toys, petits soldats à Tombouctou, Hollande Au Mali




Il y a quinze jours, je lisais un article, posté sur Yahoo [http://www.sithsproxy.appspot.com/fr.news.yahoo.com/fran%c3%a7ois-hollande-mauvaise-toy-story-142300785.html], intitulé « François Hollande : Une mauvaise Toy Story ». On nous apprend que son destin politique s’est décidé un « jour funeste de 1968 » quand sa famille a déménagé des environs de Rouen pour Neuilly-sur-Seine. Il devait tout lâcher à, seulement, 14 ans. C’est triste comme destin ! Mais ce qui rendra le futur Hollande, qu’on connait aujourd’hui, furieux est bien que son père décida de ne pas déménager l’ensemble de « la collection de voitures Dinky Toys et l’armée de petits soldats » auxquels le petit François tenait tant. Castration immonde en faisant éclater le monde imaginaire d’un futur président avec ses chars et ses soldats !
Accident psychologique pour un enfant de 14 ans qui voit ses jouets mis à la poubelle. Cet univers premier qui participe au façonnement de sa personnalité est détruit par un père qui imposait « des diktats aussi martiaux qu’incompréhensibles ». Terrible aveu d’un destin qui sera perturbé par cet événement « traumatique » que les psychanalystes aiment à décortiquer pour remonter le chemin sinueux de la vie d’un homme ou d’une femme.
Pour prendre son « indépendance » vis-à-vis de ce père qui met à la poubelle des voitures et de petits soldats, François Hollande décide d’agir comme un Homme pour échapper aux rigueurs d’ « un homme ombrageux, brutal parfois ». En effet, comme il le souligne, dans son livre Changer de destin, parlant de son père : « Ses idées, à l'opposé des miennes, m'obligèrent à construire ma pensée, à affûter mes arguments ». C’est donc cet homme qui a perdu ses jouets (Dinky Toys et petits soldats) qui gouverne la France et qui envoie « ses chars et ses soldats » pour libérer le Mali des mains des terroristes. C’est donc un enfant qui veut grandir et sublimer cette frustration juvénile en envoyant ses « Dinky Toys et ses petits soldats » retrouvés comme par hasard au Palais de l’Elysée, qui atterrit à Tombouctou. Extraordinaire ce que l’univers imaginaire d’un enfant peut receler comme révélations sur le devenir ! Je suis, en cela, la réaction d’un internaute que j’ai trouvée superbe et que je reproduis ici : « Il se rattrape en envoyant nos petits soldats au casse-pipe! Pas belle la vie? ». Ce message est donc le prétexte de ce texte qui prend l’allure d’une psychanalyse pour mieux comprendre nos gouvernants. Je dis bien nos gouvernants, donc ceux de l’Afrique de l’Ouest sont nommés.
Hollande est venu s’offrir un « bain de foule » à Tombouctou libérée avec la patronne de l’Unesco pour sauver cette « bibliothèque ». Extraordinaire coïncidence ! En effet, quelques intellectuels africains de la diaspora et des chercheurs d’autres nationalités étaient réunis pour un colloque autour de « La bibliothèque coloniale en débat ». Il ne s’agissait pas de faire un procès du colonialisme ou du néocolonialisme ni de rejeter l’ensemble des documents issus de cette période qui véhiculent un ensemble de « curiosités », de « banalités », de « stéréotypes » qui continuent de structurer le discours sur l’Afrique. Il s’agissait de « dire l’Afrique dans le monde » et de tracer de nouvelles perspectives de recherches pour que l’Afrique puisse parler à partir de sa « bibliothèque ».
Donc, quelques jours après la clôture de cette rencontre scientifique stimulante, François Hollande débarque à Tombouctou qui abrite « une bibliothèque » pas coloniale ! Tombouctou a toujours fasciné par son rayonnement intellectuel, des milliers de manuscrits y sont conservés, le monde africain et musulman « vénèrent » la ville aux 333 Saints. C’est un homme qui a perdu ses jouets à l’âge de 14 ans qui nous « livre notre bibliothèque » clefs à mains et qui  (r) assure avec une teinte de réalisme : « Le terrorisme a été repoussé, il a été chassé mais il n'a pas encore été vaincu ». Il ajoute avec assurance et gravité : « Nous avons un devoir qui est, maintenant que la sécurité est revenue, de continuer à faire en sorte que Tombouctou puisse rayonner comme ce site le mérite ». Objectifs atteints. Fini le déménagement de Rouen à Neuilly-sur-Seine sans les « Dinky Toys et les petits soldats » mais l’affranchissement d’un père qui imposait « des diktats aussi martiaux qu’incompréhensibles » ? C’est dans l’ordre du possible, car le discours va prendre l’allure d’un sermon qu’un père ferait à un fils qui a dévié.
Lisez : « Vous devez être exemplaires, vous êtes regardés par toute la communauté internationale (…) Oui, nous devons châtier les criminels, les terroristes mais nous devons le faire, vous devez le faire, avec le respect des droits de l'homme, ceux-là même qui ont été bafoués, floués par les terroristes (…) Dans l'euphorie de la liberté retrouvée, ne vous laissez jamais aller aux excès, à la vengeance, je sais que je peux compter sur vous pour qu'il n'y ait aucune exaction, aucun règlement de compte (…) Je demande à tous ceux qui ont fui leur maison par peur des représailles de revenir chez eux et de reprendre une vie normale ». Revenez à « la maison du père », le « suudu baaba » d’ATT ?
De toutes les façons, Hollande prend une revanche sur un père auquel il fallait opposer la force de l’argument. Là, Hollande a démontré qu’il était affranchi des lourdeurs onusiennes, algériennes, mauritaniennes et ouest-africaines, car il a gagné la bataille de sa vie, voir alignés ses « Dinky Toys et ses petits soldats » que son père a préféré jeter à la poubelle en 1968. C’est vraiment fou cette histoire ! Je ne sais pas si la leçon magistrale de Hollande, descendant à Tombouctou, s’adresse aux Maliens ou à tous les Ouest-africains ! Aucun président ouest-africain. Aucun ! De quelle légitimité aurait-il pu se prévaloir pour aller à Gao ou Niabali ?
Eh bien si nous n’assumons pas nos responsabilités ce sont des gens traumatisés dans leur petite enfance qui viendront encore nous dire : « Votre pays va connaître une nouvelle indépendance qui ne sera plus cette fois la victoire sur le système colonial mais la victoire sur le terrorisme, sur l'intolérance et sur le fanatisme, voilà votre indépendance ! », celle qui vous permet d’entrer dans l’histoire (c’est moi qui ajoute). Voilà, la conclusion oubliée de Sarkozy en 2007 ? Vive la continuité ! Brouillon du discours de Sarkozy ramassé dans les bureaux de l’Elysée ?
Bon, nous n’allons pas pinailler longuement sur ce quiproquo que nous entretenons merveilleusement et à la convenance de ceux que nous dénonçons. Nous ne pouvons même pas libérer notre « chère bibliothèque » et voila que nous sommes promptes à prendre nos chevaux pour dénoncer le néocolonialisme, le capitalisme qui sous-tend toutes ses interventions. Bon du paternalisme n’en parlons pas, car c’est inutile… Hollande se venge sur l’histoire et nous lui offrons un terrain fertile pour l’expérimenter. Il est même allé trop loin en tenant ces propos : « Parce que moi je n'oublie pas que lorsque la France a été elle même attaquée, lorsqu'elle cherchait des soutiens des alliés, lorsque elle était menacée pour son unité territoriale, qui est venu alors? C'est l'Afrique, c'est le Mali, merci au Mali (…) Notre pays a aujourd'hui effacé sa dette à votre égard. »
Bon vous savez, moi, je ne le condamne pas trop, car nous avons failli à tout et puis voilà, nous méritons tout. Ah quoi alors ! Que croyez-vous que ferait un enfant ayant retrouvé ses jouets ou réussi à les sauvegarder par le miracle du transfert dans le sens psychanalytique du terme ? Par cette intervention, la France vient d’effacer sa dette à l’égard de l’Afrique toute entière, l’Algérie comprise. « … lorsque la France a été elle-même attaquée, lorsqu’elle cherchait des soutiens et des alliés, lorsqu’elle était menacée pour son unité territoriale, qui est venu alors ? C’est l’Afrique... ». Angela Merkel est bien avertie que si jamais le couple franco-allemand se fragilise et que les répercussions économiques se fassent sentir, la France aura un autre partenaire soumis et fiable, et dont les ressources sont à peine exploitées. Pendant ce temps, la CEDEAO déploie son armée qui va entériner la mise sous mandat du Mali. Ce n’est pas plus mal, en attendant une autre solution.
Finalement, les malades qui nous gouvernent sont plus ingénieux que nous, car leurs frustrations juvéniles peuvent bien devenir des atouts redoutables et des moyens pour faire passer des messages aussi subtils que les effets inattendus des conséquences de leur traumatisme.
Voilà ce que la visite et le discours de Hollande m’ont suggéré d’écrire sur la base de cette histoire de jouets perdus qui hante encore le président français. Etrange non !


Abderrahmane NGAIDE
Enseignant-chercheur au Dpt d’histoire de la FLSH (UCAD)

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