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jeudi 20 décembre 2012

Mort hier soir au Val de Grâce, à Paris, de Mustapha Ould Mohamed Saleck



 
Dans votre deuil, ou dans votre mémoire et vos appréciations diverses du putschiste ou de l'homme, je tiens à vous dire mes chaleureuses pensées, mes vœux pour votre union nationale et votre conquête consensuelle d'une démocratie encore à inventer.
 
Vous trouvez ci-joint l'entretien que le président du premier Comité militaire m'avait accordé avec confiance en Avril 2006, ainsi que l'hommage rétrospectif que constitue un papier rédigé au moment de l'élection présidentielle de 1992, par un de vos universitaires les plus talentueux et sagaces.
 
Avec vous tous
 De Bertrand Fessard de Foucault



De Idoumou Ould Mohamed Lemine Abass, professeur à l'Université de Nouakchott, a été collaborateur de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, quand celui-ci, président de la République a commencé d’incarner la nouvelle démocratie mauritanienne
= évocation d'un entretien publié par Mauritanie Demain . n° 37 . 8 au 14 Janvier 1992, p. 3

Ould Saleck, le Candidat qui parle avec le cœur
Cet homme qui reçut la presse le 1er janvier dans un quartier devenu, au fil des ans modeste, fut un Colonel Chef de l’Etat. C’est lui qui a donné à la Mauritanie son armée ; celle qui, sous conduite, devait prendre le pouvoir pour sauver le pays que ruinait une guerre devenue longue, coûteuse et meurtrière. Et c’est lui qui a appris à  nos colonels, ses pairs, comment on peut déposer un régime, chose qu’ils firent plusieurs fois après lui. C’est lui que l’un d’eux un jour prit, jeta dans une geôle et traita  comme un détenu de droit commun. Il a décidé de se présenter à la magistrature suprême, à la dernière minute « pour être présent et participer à ce forum où on va parler de la démocratie ».
 Moustapha Ould Mohamed Saleck, parmi tous les candidats, a cette particularité d’être très transparent. Pas naïf. Non ! Transparent et sincère. Ce n’est pas le pouvoir qui l’intéresse. Je peux prendre sur moi la responsabilité de le jurer. Et pour deux raisons : d’abord il a démissionné du Comité Militaire de Redressement National (ou de Salut ?) quand il a compris que ses  compagnons d’armes ne voulaient pas réellement instaurer la démocratie – c’était au lendemain de la création d’un Conseil National. Ensuite cet homme, candidat à une présidence de la République qui peut – s’il est élu – durer constitutionnellement dix ans, ne compte rester au pouvoir que deux ans : « Je veux juste rester le temps de consolider la démocratie ».
Voilà ce qu’à peu près il a dit à la presse dans un français qui rappelle son premier métier : Enseignant. Pathétique. Surtout quand on sait que parmi les principaux mobiles qui l’on poussé à se présenter, il y a son souci d’être de la fête, quand les militaires tiennent leur parole ; pour rappeler qu’il en fut quand même et que, en plus, c’est bien lui qui leur apprit(en même temps que le reste) à vouloir démocratiser.
Ould Mohamed Saleck a aussi  cette particularité  d’employer des mots qui brillent par leur rareté dans les discours de nos candidats qui ont déjà pris la parole : la patrie, la très chère Mauritanie, etc. Des mots qui parlent directement au cœur. Il n’est certes pas le candidat d’Ehl Charg, il est le candidat des pauvres, de ceux qu’on oublie en ces jours de grands appétits et de grandes ambitions. Le candidat de tout son peuple. Mais cela ne l’empêche pas, honnête, de reconnaître qu’il est bien d’Ehl Charg, qu’il ressent toutes leurs souffrances et toutes leurs brimades et qu’il s’en glorifie. Quand on sait que c’est ce que chaque candidat, aujourd’hui, pense au fond de lui-même mais refuse de le reconnaître, on mesure alors la sincérité de ce vieil homme qui répond à l’appel du « Watan al Habib » !
En 1992, à huit ans de l’an 2000 et dans un monde où les « Watan » se bradent sur le marché du clientélisme international, le très sentimental patriotisme d’Ould Saleck forcément émeut. C’est peut-être ce qui lui a valu de ne pas avoir sévi pour imposer la Démocratie. C’est peut-être ce qui l’a empêché d’étouffer dans l’œuf ce virus du « pousse-toi-que-je-me-place »que ses compagnons d’armes – les Bouceif, Haïdalla et Taya- ont choppé. C’était pourtant à sa portée, nous dit-il : « Refaire un petit bain de sang et tout rentre dans l’ordre ». Il a renoncé à cela. Trop de sang avait déjà coulé ; cela suffisait.
A-t-il pensé qu’il peut maintenant poursuivre le travail là où il l’avait arrêté ?
Notre impression, en tout cas, est que c’est un candidat  bien particulier : Il parle avec le cœur.
« Watan al Habib » = La chère patrie      Watan = patrie

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