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dimanche 15 juillet 2012

L’éditorial de La Nouvelle Expression : Quand Radio-Mauritanie gifle Aziz.


Vente d’esclaves. Un marché d’esclaves en Mauritanie ? On peut le dire. Sinon, l’émission de Radio Coran de la nuit du dimanche 8 à lundi 9 juillet 2012 expliquant la vente des esclaves selon l’abrégé de Khalil (livre dont l’incinération vaut à Biram d’être encore en prison) n’est pas opportune.

L’enseignement de Khalil sur l’esclavage doit cesser ; cet enseignement qui fait l’apologie de l’esclavage n’a rien d’islamique. Le jour où les Mauritaniens y mettraient fin, ils ne s’en porteront que beaucoup mieux. Tout compte fait, l’émission du dimanche 8 juillet constitue une gifle de la part du DG de Radio-Mauritanie, assénée au Président Mohamed Abdel Aziz qui avait nié l’existence de l’esclavage, cette abomination, sur notre sol.

Radio-Mauritanie lui administre la preuve contraire en ouvrant son micro à un vaqih qui entretient le Mauritanien sur le comment conduire le négoce des esclaves.

Un illuminé des siècles d’antan. L’intrusion de cet homme du passé et ses semblables de l’ère des ténèbres dans un débat aussi sensible, et de surcroît sur les ondes d’un média public, est une insulte faite à la religion et à notre époque. La Mauritanie et le Mauritanien sont au 21 siècle, c’est dire que l’homme de Néandertal ferait mieux de se taire et de se terrer...

Bizarre ! L’Etat ne comprend-il pas que tous ces hommes, ces individus qui jactent de façon si inconsidérée sur des sujets aussi polémiques lui nuisent plus qu’ils ne lui servent ? A moins, bien entendu, que l’Etat lui-même soit celui qui donne sa bénédiction, sa suprême onction.

En tout cas, après les propos assez édifiants – et inquiétants – de l’invité de Radio Mauritanie, on se demande pourquoi continue-t-on à garder Biram et ses amis en prison ? N’est-ce pas pour avoir dénoncé les passages du livre autodafé consacré à l’esclavage qu’il s’est retrouvé là où il est ? Pourtant, c’est exactement ce qu’il dénonçait qui a été expliqué par le fameux invité qui se faisait fort d’ailleurs d’en faire un cours magistral.

Et c’est au nom de la sacralité de ce livre que des foules, le plus souvent manipulées, ont crié « Mort à Biram ! » et des manifestants ont été accueillis devant le parvis du Palais présidentiel par un Président qui, pour l’occasion, avait revêtu « la djellaba brodée » du Sultan, du Khalife, du Commandeur des croyants.

Il y a lieu d’être inquiet si ceux qui dénoncent l’esclavage sont embastillés, rudoyés, emprisonnés contrairement à ceux qui le perpétuent, allant jusqu’à passer de la vente de bétail à celui d’esclave (sans transition), faisant même leur speech dans les ondes de la radio nationale sans que, ni l’exécutif, ni le législatif, ni le judiciaire ne s’émeuvent.

Que valent, dans ce cas, l’égalité et la fraternité entre les humains, les citoyens d’une République – de surcroît islamique – si l’inégalité des justiciables est justifiée par des « hommes de foi » ? L’Etat doit s’affranchir de son blocage psychologique ; l’Etat doit prendre ses responsabilités en arrêtant de donner la prime à la perfidie et de cautionner l’hypocrisie ; sinon, il n’aurait fait que renseigner, à suffisance, sur son agenda et la vision réelle de « sa » Mauritanie ; une Mauritanie inégalitaire faite d’injustices et de comportements honteux.

Si l’Etat ne se démarque pas des tenants de l’ordre archaïque, il sera considéré comme complice de ceux qui veulent maintenir la Mauritanie dans le passé comme cet invité de Radio Coran dont le passage aurait passé inaperçu n’eût été la vigilance du député Moustapha Ould Bedredine. L’étonnement de ce dernier devant ses collègues de l’Assemblée nationale a été un cri d’alarme, une alerte contre ceux qui, sous le manteau de la religion ou de leurs religions, pourraient bien finir par plonger davantage le pays dans un trou sans fond...

Et ceux qui enterrent la Mauritanie sont ceux-là même qui dirigent des institutions de référence comme Radio Mauritanie dont l’actuel patron fut un serviteur zélé de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, lui l’ex-responsable du tristement célèbre journal « Albouchra- La Vérité ». C’est dire que rien n’est dès lors étonnant que des propos aussi peu favorables à l’unité nationale soient déversés sur le peuple par la radio nationale.

En revanche, ce qui est surprenant c’est que le pouvoir ne puisse pas comprendre – ou feint de ne pas comprendre – que ces propos porteurs de risques pour le pays ne servent donc pas Ould Abdel Aziz. Ce pays est décidément un cas. Un cas très particulier !

Seydi Moussa Camara

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