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dimanche 8 avril 2012

Interview du président des FLAM, Samba Thiam au site Flere


SAMBATHIAM

Né en 1949 à Sélibaby, M. Samba THIAM Président et membre fondateur des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), n’est plus à présenter aux mauritaniens. Combattant acharné et inlassable pour la justice et l’égalité, il aura connu la prison pour avoir dénoncé la discrimination et l’accaparement de tous les leviers du pouvoir au profit d’une communauté entrainant une exclusion systématique des noirs de la gestion des affaires publiques. Chassé de la Mauritanie et refugié au Sénégal, M. THIAM séjourne actuellement aux Etats-Unis sans pour autant que sa détermination ne faiblisse.
Toujours très modeste et ayant magistralement conduit les FLAM à devenir une force incontournable dans le combat pour l’avènement d’une Mauritanie juste, assumant parfaitement ses positions et abordant les questions sans ambigüité, il revient sur la longue marche de la Mauritanie, le problème de l’esclavage, les obstacles à l’expression de la diversité, l’impossible définition de l’identité mauritanienne et la situation plus qu’inquiétante qui prévaut au pays actuellement entre autre.
Au moment où certains de nos compatriotes commencent à être habités par le doute par rapport à l'avènement d'une Mauritanie juste et égalitaire, il est important de recueillir les enseignements d'un connaisseur et combattant de longue date. Cette interview s'inscrit dans le but de la redynamisation du combat contre l'injustice et l'impunité qui sévissent en Mauritanie.
FLERE: En quoi les FLAM ont-elles contribué à l’évolution de la cause noire en Mauritanie?

SAMBA THIAM- Nous avons, croyons-nous , contribué à l’évolution de cette cause, en rompant d’abord ce mur du silence sur la réalité grossière en Mauritanie, que les régimes arabo–berbères s’attelèrent, de toutes leurs forces, à cacher à la face du monde. Nous croyons, également, avoir hâté et renforcé la prise de conscience tant chez les Négro-africains et les Haratines de leur condition d’opprimés, que chez une minorité de nos compatriotes arabo-berbères-qui grossit- sur le danger, à terme, de la situation. La question centrale de Cohabitation–notre crédo- ,que d’aucuns appellent, par euphémisme, la question de « l’unité nationale » est maintenant au cœur du débat actuel. Enfin, nous pouvons ajouter à ces acquis le retour, non pas à la sauvette, mais dans la dignité, grâce à notre ténacité, de ces milliers réfugiés du Sénégal !
Il ne fait aucun doute que n’eût été l’action des Flam, nous serions aujourd’hui dans la même situation que les Noirs du Maghreb; tels ces 5 millions d’algériens que l’on cache, comme une tare, au public, rélégués à la culture de l’olive, ou ces Noirs tunisiens, juste bons à régler la circulation !
Les Flam veillent, afin que d’autres puissent jouir de leur liberté d’action et de mouvement !

 FLERE: Certaines langues disent, qu’après vingt ans d’exil et de combat les FLAM n’ont pas obtenu de résultats significatifs. D’ailleurs vous parlez vous même de la perpétuation du système inique à fondement raciste incarné aujourd’hui par le régime de Aziz, ne sentez-vous pas une certaine lassitude chez les militants ? Et l’heure n’est-elle pas venue pour le changement de stratégie ?

S.T : Arrêtez de nous parler de ce que pensent les « mauvaises langues » ! et puis quel sens donnent-ils au terme « significatif », fonction d’une perception toute subjective, très variable d’un individu à l’autre ?A quel degré décide-t-on qu’une action a été ou non significative ?
Ces gens, prompts à la critique facile, l’ont choisie comme mode d’action, face à notre engagement qui ne se dément pas, et qui leur donne mauvaise conscience ! Voilà tout ! Quoique nous fassions ils trouveront, de toute façon , toujours à redire !
J’ai déjà dit plus haut que ce débat, à mots couverts, sur la question nationale qui s’invite aujourd’hui sur l’arène politique, ce retour des réfugiés, et même cet amendement constitutionnel récent sur «le droit à la différence », qui renvoie, en fait, au concept d’identité du pays, réactualisé par nous, tout cela est à mettre, directement ou indirectement, à l’actif des Flam , quoi qu’en puissent penser nos détracteurs.
J’ajouterais même que la promotion sociale d’un bon nombre de Haratines et de Négro-africains, de par leur position au sein de l’Etat, n’a été possible, depuis Ould Taya jusqu’à Aziz, que grâce à notre Discours qui gène et que l’on cherche à déconstruire, par des réadaptations, des réajustements.
Bref, affirmer que les Flam n’ont pas obtenu de « résultats significatifs », c’est manquer de sens d’observation ou de bonne foi tout court !
Trouvez-vous, franchement, qu’avoir réussi à faire ramener, après 18 ans d’exil, plus de 20.000 réfugiés que les régimes arabo-berbères souhaitaient voir fondus dans la population sénégalaise, n’est pas significatif ? Qu’avoir développé la prise de conscience chez les opprimés ça n’est pas grand’chose ? Qu’avoir réussi, jusqu’ici, à protéger les Noirs mauritaniens du sort, peu envieux, réservé à leurs confrères du Maghreb, c’est peu de chose ? pas significatif ?
Que tout ceci soit insuffisant, j’en conviens; mais que rien dans notre action ne fut significatif , je ne puis le concéder !
Un Système enraciné, depuis 50 ans, ne disparaît pas comme ça, d’un tour de main ! C’est par petites touches que cela se fera, et pas d’un seul bloc, à moins d’un changement radical de rapports de force; il y’a tous les coups antérieurs portés à l’arbre, et il y’a le dernier après lequel celui-ci s’abat; lequel (ou lesquels) serait le plus significatif ?
Pour notre part, nous continuons de porter des coups au Système … Qui fait mieux ?
Concernant maintenant le changement de stratégie, je vous invite à relire les résolutions issues de notre congrès, tenu au mois de Mai dernier à Paris, en 2011.

FLERE : Les FLAM n’ont-elles pas besoin d’un rajeunissement de la classe dirigeante pour donner un nouveau souffle au mouvement ?

S.T - La "classe dirigeante" des Flam est, pour l'essentiel , jeune ; il n'y a qu'à revoir notre Bureau exécutif ainsi que tous les responsables de nos sections pour le constater ! Ce sont nos militants qui décident et choisissent, librement, leurs dirigeants , il faut le rappeler ; comparée à la classe politique nationale, la direction des Flam me semble très jeune !
Mais si, par contre, vous faites allusion à la « longivité du Président des Flam », je vous répondrais que je partage totalement ….; je ne cesse d’appeler à la relève ! Je puis vous assurer que la place est à prendre ! Nous sommes entrain de préparer les conditions de passation du témoin ; seules des circonstances exceptionnelles ont retardé, jusqu’ici, les choses !

FLERE: La multiplicité des mouvements et partis politiques voulant porter la cause noire en Mauritanie, sans jamais parvenir à s’entendre, (querelles de personnes…) ne constitue t-elle pas un obstacle à la cause ?

S.T – Quelque part, oui ! Mais nous devons garder l’optimisme, car si les chemins sont multiples, ils conduisent tous au même objectif, partagé ! Evidemment si chacun faisait sienne cette pensée de Thierno Bocar, selon Hampathé Ba, « savoir parfois rire de soi » disait-il, les luttes de préséance, les conflits d’égos seraient tellement amoindris…. 

FLERE: La forme unitaire de l’Etat mauritanien n’est-elle pas un obstacle à l’expression de la diversité ? Et quelle place doivent occuper les langues dites « Nationales » ?

S.T - Cette forme unitaire actuelle constitue, en effet, un obstacle à l’expression de la diversité, pour épouser les contours de l’Unitarisme et non pas de l’Unité! On a cherché à unifier, c’est-à-dire à niveler, gommer les différences ! Or c’est ce qu’il ne faut pas, justement ! Il faut unir et non pas unifier !
La forme d’unité la plus appropriée pour cette Mauritanie-pluri-culturelle et multi-ethnique- à notre avis, c’est l’Autonomie ; nous avons choisie cette option, traduite en projet, et vous verrez quand il sera rendu public, combien ce projet sied à la réalité de notre pays !
Concernant la place des langues nationales, nous avons toujours affirmé que l’égale dignité des communautés nationales passe, aussi, par l’égalité de traitement de leurs langues et cultures.Voilà pourquoi toutes les langues nationales doivent être officielles, langues de travail - d’apprentissage et de formation- pour l’éveil des consciences ou l’éducation des populations .

FLERE: L'esclavage en Mauritanie est une forme de discrimination la plus inhumaine. Les Flam acceptent-elles de prendre en charge cette question? Pourquoi vos détracteurs vous accusent de manque de volonté sur ce terrain ? 

S.T -Vous dites bien « nos » détracteurs, comme vous parliez, plus haut, de ces (mauvaises) « langues ». Un détracteur c’est rarement objectif,… plutôt de mauvaise foi !
Nous avons pris cette question de l’esclavage en charge, dans le manifeste dès 1986, au moment où presque personne n’en parlait plus, après le fameux procès d’intimidation de Rosso. Quelques articles-scoop, du genre « la Mauritanie, pays aux 100.000 esclaves » paraissaient, rarement, ici ou là !
J’ajoute que nous avons, les premiers, contribué à internationaliser ce dossier en 1990 , au Congrès du parti communiste Français, tenu à Paris. Dans toute notre production, cette question est en bonne place. Qui d’autre a fait mieux ?
C’est sur nos traces qu’a marché SOS-esclave, dont le travail a contribué à amplifier la question; l’AHME a suivi, puis l’IRA, avec sa méthode plus agressive, donnant au dossier plus de répondant , disons le …
Bref nous n’avons jamais quitté ce terrain de lutte, et n’avons jamais lâché ce dossier !
Si nous n’avions pas été là, cette question n’aurait peut-être pas eu l’ampleur qu’elle a aujourd’hui; Elle serait, à l’heure actuelle, étouffée, reléguée aux oubliettes!

FLERE: Les combats contre l’esclavage et le racisme sont-ils indissociables selon vous ? Comment comptez-vous vous organiser pour rassembler ceux qui en sont victimes et qui sont en ordres dispersés depuis l’indépendance de la Mauritanie ?

S.T - Oui je le crois, tout à fait ! indissociables tant sous l’angle pigmentaire, que sous l’angle de classes!
Ces combats nous semblent si bien liés que nous avons toujours pensé que la fin, définitive, de l’esclavage passe, nécessairement, par la fin du racisme d’Etat! Sortir de l’esclavage pour les Haratines, sans livrer bataille pour la fin du racisme d’Etat, reviendrait, simplement, à changer de ghetto ! Ils auront gagné la bataille sur le déni d’humanité qui les frappe mais, inévitablement, retomberont dans celui de citoyenneté !
Voilà pourquoi le mouvement Haratine se devrait d’avoir une vision plus globale, plus lointaine des choses, une vision prospective en somme …

FLERE : La majorité des Harratines n'a pas été recensée car dépourvue de pièces d’état civil, pourquoi, selon vous, il y a une certaine fébrilité de la part des ONG ou certains partis politiques de prendre en charge de façon pragmatique cet épineux dossier ? 

S.T -Je parlerais plutôt de frilosité …
Vous devez comprendre qu’il existe, chez nous, deux types d’Opposition; l’Opposition au Système -hors du Système -, et l’Opposition dans le Système !
Avez-vous entendu l’opposition arabo-berbère dénoncer avec vigueur et constance ce projet d’enrôlement à caractère raciste? non! l’avez–vous vue s’opposer, vigoureusement, à la tentative de spoliation massive des terres qui nous guette? Non ! Ou plaider vigoureusement pour la restitution des terres spoliées des réfugiés ?exprimer, même à mi-voix, la pleine reconnaissance du pulaar, soninké et wolof comme langues officielles ? non plus!
Les visions de cette Opposition et celle du régime sur l’identité du Pays et sur les questions cruciales sont très voisines, pour ne pas dire identiques !
Encore une fois il y’a Opposition et Opposition !

FLERE: On parle beaucoup de l’esclavage des maures, selon certains maures, l’esclavage existe aussi au sein de la communauté négro-africaine, pourquoi les Flam ne sont pas montées au créneau pour dénoncer ce système discriminatoire incompatible avec les valeurs que vous prônez : Unité, Liberté, Egalité ? 

S.T -Les Flam dénoncent toutes les tares sociales, où qu’elles se trouvent, qui affectent les composantes nationales, sans distinction .
Seulement, il faut quand même préciser que la réalité des formes d’esclavage en milieu négro-africain et arabo-berbère est totalement différente .
Résiduel en milieu négro-africain, l’esclavage s’y pose plutôt en terme de statut social. Nulle part, ici, les descendants d’esclaves ne se voient empêchés d’hériter de leurs ascendants; il est impossible de forcer quelqu’un à travailler pour un Maître ! L’ancien esclave et son descendant jouissent pleinement de leurs biens et propriétés; il est simplement impensable, dans ce milieu, qu’un homme puisse en vendre un autre, comme une vulgaire marchandise !
Voilà pourquoi nous (Flam) mettons davantage l’accent sur le second, beaucoup plus inhumain, que sur le premier-plutôt résiduel-qui se résorbera doucement, par l’urbanisation, la scolarisation, et le développement économique . 

FLERE : Qu’est ce qui caractérise la féodalité négro-africaine et en quoi constitue t-elle un handicap à l’unité de cette composante ?

S.T -Vous devriez plutôt chercher la bonne réponse (scientifique) du côté des chercheurs …
Mais, je crois, pour ma part, que ce qui caractérise la féodalité négro-africaine ce sont ces stratifications, ces statuts en paliers … Bien entendu cela gène, quelque part, l’unité de cette communauté. On n’a pas compris que la division initiale des groupes sociaux était une division du travail, et non de classes sociales ou d’hiérarchisation des statuts ; le système de castes assurait, à l’origine, un rôle de régulation en attribuant à chaque groupe social une fonction. C’est après qu’il s’est produit une sorte de glissement vers une hiérarchisation qui, du reste, ne repose sur aucune base objective !
Cela dit, il faut quand même nuancer et cesser de considérer le facteur « castes », comme l’obstacle majeur à l’unité; en effet, face aux événements de 1986-89, ces différences de castes, de classes ou de statuts se sont évanouies. Contre le racisme d’Etat les Négro-africains ont fait bloc, sans considération de leur origine sociale !
Ajoutons, également, que la question des castes ne comporte pas que des inconvénients, à en croire Cheikh Anta Diop; « la création du système des castes assure plus de permanence et d’équilibre que celui du système des classes en Occident» dit-il ! C’est d’ailleurs une des raisons, entre autres, qui explique pourquoi il n’y eut pas de révolutions en Afrique, ajoute –t-il plus loin .
Autre temps autres mœurs?

FLERE: Pensez-vous que la communauté Maure vive une exclusion de quelque manière que ce soit de la part du système ?

S.T - Une partie de la communauté maure vit sa part d’exclusion, incontestablement; dans la stigmatisation de classe ( Zénaga, forgeron ), dans la redistribution des richesses, etc... On dit que la mentalité tribale bidhaani fonctionne en cercles concentriques; c’est d’abord moi , ensuite ma famille, puis mes cousins, ma fraction, ma tribu, et enfin mon ethnie ! Comme le Pouvoir est y perçu, généralement, comme une vache à lait, les retombées qu’on en tire, forcément, ne seront pas les mêmes chez tout le monde ! Plus on s’éloigne du centre des cercles, plus la part de gâteau s’amenuise; ceux qui sont en dehors de ces cercles sont simplement exclus du partage .
Il est clair que certains segments de la communauté bidhaan vivent leur part d’exclusion.
Mais cette réalité ne doit pas, toutefois, occulter ou atténuer une autre réalité, toute aussi têtue : la communauté bidhaan, dans son ensemble, bénéficie, bel et bien, des retombées du Système discriminatoire en cours, en terme de développement de sa langue et de sa culture, en terme de reconnaissance pleine et entière de sa citoyenneté, voire de sa suprématie, consacrée par le Système, sur les autres composantes nationales … 

FLERE : Avez-vous de bonnes relations avec les abolitionnistes qui sont actifs à l’intérieur de la Mauritanie, (SOS-ESCLAVES, IRA-MAURITANIE) et ceux de l’extérieur, (L’Association des Harratine de Mauritanie en Europe ?

S.T - Nos relations avec ces organisations et Associations sont bonnes.

FLERE : Les FLAM comptent se redéployer en Mauritanie, nombreux sont vos militants qui ont été condamnés sans avoir purgé leurs peines, ne craignez vous pas que l’Etat mauritanien rouvre certains dossiers pour vous mettre les bâtons dans les roues afin de procéder à des arrestations arbitraires à l’image des années sombres 1987-1989?

S.T - D’abord je ne crois pas qu’il existe des peines, pendantes, pour un seul flamiste.
Ensuite en matière de lutte, le risque de répression est toujours là, inhérent à l’action! On ne peut donc s’arrêter sur ce type de considération. Quand la nécessité l’impose ou que le peuple a besoin de vous, ce risque- là disparaît ou passe au second plan !

FLERE: La jeunesse mauritanienne s’interroge sur la véracité de l’accusation portée contre les militaires négro-africains d’avoir voulu fomenter un coup d’Etat, quelle est votre version des faits pour mettre en lumière cette affaire ?

S.T - Je crois deviner, derrière votre question, un dépit, largement partagé du reste … ; mais je dois vous apprendre que je n’étais ni acteur ni témoin de cet évènement. Je pense, malgré tout, qu’avec les versions, croisées, et les choses écrites la- dessus par des témoins vivants, on peut raisonnablement, donner foi à la véracité de cet évènement !
A mon sens la question n’était pas de savoir s’ils avaient, oui ou non, tenté un putsch, mais plutôt, s’ils avaient, eux- aussi , le « droit » d’en tenter un, au même titre que d’ autres ! S’ils avaient le culot d’oser, comme tous ceux-là qui les avaient précédés, pour nous rendre notre dignité d’homme ! Ou si le traitement excessif qui leur avait été infligé était juste ? ( 3 peines capitales pour une tentative… dans la tête ! ), en comparaison à celui réservé aux auteurs de tentatives sanglantes, et qui furent non seulement impunis, mais promus !
Toute la question, en fait, c’est bien cette politique à deux vitesses qui prétend construire un pays !

FLERE : Pourquoi les Flam n’ont pas introduit une plainte collective au niveau du Tribunal Pénale Internationale, l’ONU et à l’Europe pour exiger le jugement des criminels de l’armée mauritanienne?

S.T - Écoutez, on ne peut quand même pas nous demander, dans cette lutte, d’être présents partout, et partout devant, sur tous les fronts ! Et puis on ferait des jaloux, vous connaissez les mentalités !

FLERE: Croyez-vous que la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), prenne en charge de façon efficiente les problèmes fondamentaux du racisme de l’Etat, de l'esclavage et du passif humanitaire ? 

S.T - Je vous ai déjà dit qu’il y’a deux types d’opposition en Mauritanie : L'opposition au Système ( hors du Système) et l’Opposition dans le Système !

FLERE: La Mauritanie traverse ces derniers temps une crise multiforme, (enrôlement contesté, grève à l’Université, spoliation à grande échelle des terres du Sud, l’opposition qui appelle à un coup d’Etat), quelle lecture faites-vous de cette situation ? Et quelles conséquences en tirez-vous ?

S.T - En effet, on observe une situation plutôt agitée ces derniers temps, et qui n’est pas sans dangers.
A mon sens, cela tient en partie à la navigation à vue, trop suffisante, trop sûre d’elle-même, du Président Aziz, qui ne satisfait personne ! Mais cela tient aussi aux positions, quelque peu versatiles, d’une certaine opposition qui porte, quelque part, la responsabilité historique de ce qui nous arrive, actuellement!
Rappelons que ce fut une partie de cette Opposition, prétendue démocratique, qui soutint, à bout de bras, le Général putschiste ! Ce fut encore une partie de cette opposition qui cautionna des accords, qu’elle savait, par avance, utopiques, condamnés, contribuant ainsi , à installer Aziz dans la légitimité , dont il avait tant besoin ! Et c’est aussi une fraction de cette même Opposition qui était allée à la soupe !
Et voilà que maintenant cette même Opposition marche, pour demander le départ de Abdel Aziz !
N’y a-t-il pas là un manque de cohérence voire de crédibilité ?
Aziz « dégage ! », entend-on clamer ! Très bien, mais pour mettre qui à la place ?
Enfin, je pense, pour relativiser un peu, que toute cette agitation n’est peut être pas si mauvaise que ça ! Ce peuple, habitué à plier l’échine sous le joug militaire , maintenant se redresse pour dire non à ses dirigeants !
C’est bon signe et c’est sain pour la Démocratie !

FLERE : Si les FLAM prenaient le pouvoir aujourd’hui, quelle sera la première grande mesure à prendre ?

S.T - L’appétit du pouvoir n’a jamais caractérisé les Flam, c’est connu; sa conquête, ne fut jamais leur préoccupation centrale, orientée surtout vers la solution du problème de la cohabitation , d’où qu’elle vienne et quelqu’en soit l’agent .
Votre question me prend donc de court, vous le comprenez !
Mais si je devais, malgré tout, m’essayer à l’exercice , je prendrais non pas une mais trois mesures : je supprimerais le Sénat, fermerais l’ISERI et m’attelerais à mettre en place les conditions pour la tenue d’un dialogue national ( sur la cohabitation et l’esclavage) et la convocation d’au moins quatre Etats Généraux .
Le premier est un gaspillage de ressources et ne correspond pas à notre réalité ; La Mauritanie ne « pèse» pas encore un Sénat, ni économiquement ni démographiquement; Et, du reste, les communautés se feraient très bien représentées, et de manière encore plus équilibrée, au niveau des trois pôles que sont la Présidence, la Primature, l’Assemblée nationale .
Le second - l’ISERI - ne donne ni à boire ni à manger, et comporte de surcroît un risque , potentiel , non négligeable! Nos « Mahadras » traditionnelles nous suffisent, largement!
Enfin quatre secteurs méritent des réformes urgentes (l’Armée, l’Education, la Justice, l’Emploi des Jeunes) 

FLERE : Question : votre dernier mot ?

S.T- D’abord les enseignements à tirer de la situation du nord du Mali et du Sénégal -à méditer par les mauritaniens - qui montrent , dans le premier cas, que l’on ne peut étouffer, sans danger, indéfiniment les aspirations légitimes des minorités , et dans le second, que le cadre démocratique , qui permet l’expression concurrente des idées et des projets , est peut-être le plus sûr moyen pour la résolution des problèmes, y compris les problèmes d’identité !
Un message aux mauritaniens, ensuite, pour dire que rien est encore perdu. Nous n’avons pas franchi la ligne de rupture, alors reprenons-nous ! On peut encore faire de ce pays un havre de paix et de fraternité, où il fait bon vivre pour tout le monde !
Je ne puis terminer, bien sûr, sans vous remercier de m’avoir accordé cette interview.

Propos recueillis par : BA Tidjane, Dicko Hanoune, BA Youssouf.
09 Avril 2012

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