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mercredi 25 janvier 2012

IRA – Mauritanie Rapport:: ESCLAVAGE, TORTURE ET PHOTOGRAPHIE EN MAURITANIE

 
Un anachronisme afro-arabe en 2012

A-  SUR LA POLÉMIQUE DES PHOTOGRAPHIES :
  Les photos des militants antiesclavagistes enchainées, le 14 janvier 2012, dans la localité de Aïn Farba (Est Mauritanie) ont fait le tour de toile cybernétique mais, très vite, les autorités se sont empressées d’en contester l’authenticité. Elles sont pourtant l’incarnation de la réalité vivante du régime de garde à vue de nos militants pendant leur séjour carcérale à la brigade de gendarmerie de Ain Farba diffusée tôt le matin du dimanche.
Il est alors indéniable que les quatre militants étaient bel et bien détenus par la gendarmerie, et ce plusieurs durant, dans les conditions dégradantes que reflètent clairement les photos diffusées.

Ainsi peut-on signaler à raison et preuves à l’appui les vérités suivantes :

1.    Se trouvant dans de telles positions et enchaînés, de surcroît, comment les militants pouvaient-ils avoir la liberté de se mouvoir a plus forte raison d'aller se photographier. Va-t-on alors occulter le niveau de surveillance à laquelle même en situation normale ils seraient soumis. C’est d’autant plus vrai que les militants étaient sous les yeux vigilants des unités aussi bien de la gendarmerie que de la garde armées jusqu'aux dents, prêtes à agir pour le banal des faits.
2.    Malgré les vaines manœuvres de dénégation, tout prouve sans l’ombre d’aucun doute qu’il s’agissait bien des membres de notre organisation comme pleuvaient en témoigner encore leurs visages.

3.    En plus, les témoignages de tous les détenus de droits communs et d'opinion en Mauritanie confirment l’usage de cette forme de torture que montrent les photos. C’est que met en exergue les rapports d'ongs comme celui d’Amnesty international, du 3 décembre 2008, qui dit dans un communiqué de presse que : «  Le gouvernement se rend systématiquement coupable d’actes de torture ».
4.    Nos camarades ont réussi à prendre ses images de l’intérieur du fin fond de leurs geôles, grâce à la complicité voire la sympathie inavouée de certains gendarmes, décidément solidaires des militants antiesclavagistes, victimes d'injustice et de torture. Ceci étant, ils réclament envers et contre tout l’ouverture immédiate d’une enquête sur cette affaire et exigent d’être confrontés à leurs tortionnaires, au demeurant, bien identifié, entres autres le chef d'orchestre : le commandant de brigade de gendarmerie de Ain Farba, l’adjudant-chef Bouboutt Dieng. les personnes maltraitées sont prêtes à assumer la peine du faux et usage de faux et du délit de dénonciation mensongère en cas de réfutation des faits de torture par une enquête indépendante.


B- SUR LES CIRCONSTANCES EXACTES DE L’AFFAIRE

Une délégation d'IRA-Mauritanie accompagne et assiste le jeune Mohamed Lemile Ould Mbareck Ould Laghdaf, pour l’aider à porter plainte, à la brigade de gendarmerie de Ain Farba, contre Mohamed Nouh Ould Khanvour, commerçant et éleveur, membre de l'ethnie arabo-berbère et son épouse Elettou Mint EL Ghardy. C’est cette famille de maîtres esclavagistes qui détient en esclavage, par héritage, les frères et sœurs de Mohamed Lemine. Ce dernier ayant pris gout à la liberté grâce à un concours de circonstances particulier :

1.    Ses maitres, avec qui ses frères, sœurs et lui vivaient depuis leur naissance et pour qui ils travaillaient comme esclaves, privés d'éducation, de repos et de salaires, ont décidé de se séparer d'eux, en les conduisant de Agharghar, village situé à trente kilomètre de Tintane, chef lieu du département de Tintane. Là, ils les ont installés. C'était vers la fin du mois de mars 201. En ce moment, les khanvour ont donné, à leurs esclaves, 40 têtes de chèvres et leurs ont dit: « Nous nous séparons de vous parce qu’un certain Biram a fait emprisonner trois femmes à Nouakchott, pour faits d'esclavage et nous ne voulons pas subir un tel sort ; c'est pourquoi nous vous octroyons ce petit cheptel et débrouillez vous sans nous ! »

2.    Mohamed Lemine, ses frères et sœurs, commencèrent à vivre à Tintane, sans leur mère, Salka, devenue malade mentale, suite au refus par ses maîtres, les Khanvour, de la laisser suivre son mari M’Bareck ould Laghdaf, dont elle était éprise. Ainsi privé d’elle, ce dernier l'a quitté, il y a quelques années maintenant. choquée et désespérée, elle se retrouva dans sa situation actuelle. Sa dépression mentale l'ayant rendue improductive, les Khanvour l'abandonnèrent depuis lors mais gardèrent tous ses enfants pour leurs divers travaux. Les Khanvour prenaient le soin de récupérer les rejetons même ceux conçus hors mariage.

3.    Un jour,  les Khanvour reviennent, sans raison invoquée, sur la décision de se séparer de leurs esclaves. Voici pourquoi :

C-    SUR LE CONTEXTE

-    Le 4 aout 2011, des dizaines d'éléments de la police mauritaniennes, armées jusqu'au dents, lancent une violente répression contre un sit-in de dirigeants et militants d'IRA devant la police des mineurs à  Nouakchott ; le rassemblement entrait dans le cadre d’une protestation contre l'impunité, accordée par le ministère public, à une femme présumée coupable de pratiques esclavagistes sur une fillettes de 10 ans. Le bilan de cette campagne de répression est lourd: 11 personnes blessées et hospitalisées dont le président d'IRA, Biram Dah ABEID et neuf autres militants, arrêtés, torturés, jugés et condamnés en procédure expéditive de flagrant délit ;
-    Le lendemain de cette opération de coercition brute, le chef de l’État mauritanien, le Général Mohamed Ould Abdel Aziz, annonce, en direct sur la télévision et la radio mauritaniennes, annonce sa volonté de réprimer l’organisation d’IRA. Car, elle inspire selon lui la peur et installe la psychose chez certaines franges des mauritaniens. Il soutient qu'il va protéger ceux à qui IRA inspire l’inquiétude moyennant les forces d’Etat. Il va jusqu’à nier l’existence pure et simple l'esclavage en Mauritanie.
-    Juste après cette déclaration largement relayée par les média d’État, plusieurs foyers esclavagistes repentis - qui avaient pris la décision de se séparer avec leurs serviteurs, suite aux poursuites et emprisonnement de présumés esclavagistes décidés par les juges sous la pression de IRA – encouragés par les allégations de Mouhamed Ould Abdel Aziz prirent la décision de se réapproprier leurs esclaves et de les assujettir de nouveau. Le propos de Ould Abdel Aziz a insufflé dans la conscience des privilégiés par naissance la nostalgie de leur pouvoir inique, la fierté de possession d’esclave et un net et brutal recul de la honte.
-    C'est exactement pour cette raison et suite au revirement qui s’est produit au sommet de l’Etat, les Khanvour sont revenus à Tintane reprendre les esclaves et les ramener à Agharghar. Or, ayant pris goût à la liberté, Mohamed Lemine, âgé d’environ 20 ans, s’est enfui à Nouakchott et, après plusieurs mois d'errance. S’approchant d’IRA, il lui sollicita l’assistance pour porter plainte contre les Khanvour et libérer sa  famille. C’est dans ce cadre qu’une mission de cette ong l’accompagné à Ain- Farba.

D-    AU COMMENCEMENT
4.    Le mardi 10 janvier 2012 à 18 heures 30 mn, le plaignant, Mohamed Lemine Ould Mbareck Ould Laghdaf, entouré de la mission d'IRA, composée de : Ahmed Ould Hamar Vall, chargé de mission auprès de son Président, ElMehdy Ould Lemrabott, journaliste, Lehbouss Ould Omar et Abdallahi Abou Diop, photographe s’en va pour déposer sa plainte auprès des autorités locales.
5.    Le chef de la gendarmerie de Ain Farba, l’adjudant-chef Bouboutt Dieng, qui était visiblement bien au fait de la composition et de l'objet de cette mission, reçoit très mal le plaignant et les membres d'IRA. Il traite le plaignant de menteur et d'escroc. Les membres d'IRA sont insultés et décrits en personnes « qui partent chier et mentir pour créer le désordre dans le pays ». L’adjudant-chef  Boubout les prend pour une « bande de délinquants ». Alors, très remonté, il menace de corriger sévèrement le plaignant et ses accompagnateurs, si l’affaire s'avérait un mensonge, puis il ajoute : « car, je suis plus que sûr et certain que c'est un mensonge ».
6.    El Mehdy demande alors à Bouboutt plus de respect et de courtoisie, mais aussitôt celui-ci se déchaine et le gifle trois fois, sous le regard du plaignant, du reste des membres de IRA et les soldats présents. Néanmoins, les membres d'IRA gardent leur calme mais maintiennent fermement leur demande d'ouverture de l’enquête tout comme le plaignant aussi.
7.    Finalement, le chef gendarme se calme un peu et promet d'aller le lendemain matin, c’est-à-dire 11 janvier à Agharghar, pour ramener les Khanvour et, éventuellement, les frères de Mohmed Lemine s'il les y trouve. Mais il pose une condition : « la mission d'IRA reste ici et ne part, avec moi, que le plaignant. Les membres d'IRA obtempèrent.

E-    LA COMPLICITE

8.    Dés son arrivée à Agharghar, le chef gendarme, qui semble être attendu par la famille Khanvour, s'installe dans une tente qui est dresn toure de tous les soins que pouvait lui conférait l’hospitalité. Car grande est la sympathie entre l’enquêteur et les présumés esclavagistes. Et selon les témoignages du plaignant, Mohamed Lemine, en aucun moment de se séjour n’a posé une question quelconque aux enfants victimes. Il ne réagit même pas pour arrêter les Khanvour  qui commençaient pourtant à harceler Mohamed Lemine en le menaçant de porter plainte contre lui afin qu'il rembourse le bétail qui lui a été pourtant donné de gaieté de cœur sans qu’il ne le demande tout comme tous ce qu’ils ont dépensé pour les nourrir, ses frères et sœurs, et lui par ailleurs depuis leur naissance, jusqu’à maintenant.
9.    Le chef Boubout adhère aux propos et menaces du présumé maître esclavagiste Mohamed Nouh Ould Khanvour  et dira au jeune plaignant, désemparé, que cette plainte dont parlent les Khanvour est bel et bien pertinente et recevable. Inquiet, le garçon s'éloigne un peu et tente de téléphoner à ses assistants, les membres d'IRA. Les Khanvour le signalent à l'adjudant chef  Bouboutt et ce dernier lui confisque son téléphone mobile et le rabroue devant ses maîtres. Pensant que le plaignant est suffisamment intimidé et donc affaibli, l'officier de police judiciaire tente de le faire dédire et de le retourner contre les membres d'IRA. Mohamed Lemine résiste. Alors Bouboutt appelle la grande sœur de Mohamed Lemine et, avec l'aide de ses  maîtres, les Khanvour, il la dresse contre son frère, le plaignant.
10.    De retour à Ain Farba, tard dans l'après-midi, vers 18 heures, le soir du 11 janvier, l'adjudant Boubout revient au poste de gendarmerie d’Ain Farba et n'adresse aucune parole à la mission d'IRA. Le visage ferme et grave, il rentre dans son bureau, appelle longtemps au téléphone et, quelques instants après, cinq soldats du corps de la garde nationale arrivent avec leurs armes. Puis ces derniers prennent position dans les locaux de la gendarmerie. Ensuite, Boubout appelle le chef de la mission d'IRA, Ahmed Ould Hamar Vall et lui signifie que la plainte de Mohamed Lemine et de IRA n'est qu'un mensonge et que les faits que lui, Bouboutt,  a constaté Boubout à Agharghar n'ont rien à avoir avec l'esclavage. Ainsi demande-il à Mohamed Lemine et aux membres d'IRA de quitter les lieux et s'en aller. Sur le coup Ahmed lui réplique qu'IRA et le plaignant ne quitteront les lieux que si l’enquête est dûment enclenchée et les enfants victimes libérés.

F-    LE RECOURS A LA TORTURE

11.    Suite à cette réponse, l'officier de gendarmerie sort de ses gongs, attrape Ahmed par le coup, mets sa main derrière son dos et le balance brutalement hors de son bureau. Il ferme la porte de la brigade et s'en va à son domicile, après avoir installé des gendarmes et des gardes pour surveiller les membres d'IRA et le plaignant. Ces derniers passèrent la nuit en sit-in devant la brigade et, au besoin, rentraient s'approvisionner en eau de l'intérieur du local de la brigade, sous l’œil vigilant mais courtois des gendarmes  de service.
12.     Boubout Dieng fait irruption, le matin du jeudi12 janvier, vers 8 heures, dans le bâtiment de la gendarmerie et aperçoit Lehbouss Ould Omar, membre de la mission d'IRA, à l’intérieur des locaux, en train de s'approvisionner en eau. L’officier gendarme pique une colère noire et commence à battre le militant des droits humains en l’injuriant. Les amis de ce dernier, Ely Ould Ravee, Abdallahi Abou Diop et ElMehdy Ould Lemrabott accourent pour s'interposer. Bouboutt invite immédiatement les gendarmes et gardes à molester les membres d'IRA puis donne l’ordre de les enchaîner.
13.    Ainsi les quatrièmes échelons Amadou NGaidé, Yacoub Ould Sidiya, Hamoudi (chauffeur), le troisième échelon Sidiya Ould Dah refuseront catégoriquement de toucher les militants d'IRA, arguant à leur chef, Bouboutt, que Lehbouss et ses compagnons n'ont rien fait qui mérite de les frapper ou de les arrêter. Et d’ajouter, de toute manière, aucun des membres d'IRA n'oppose de résistance, donc à Bouboutt, de mettre lui-même les chaines s’il le décidait. Ainsi ces derniers ont-ils en  conséquence objecté à leur supérieur. C’est alors qu’il prend lui-même les chaînes et accomplit ses desseins. En quelques minutes, il enchaîne les quatre militants d'IRA qui ne lui ont opposé aucune résistance. Tous les gendarmes cités plus haut peuvent en témoigner.
14.    Commence alors le cycle de la torture. Bouboutt Dieng va suspendre, par des chaines en fer, les quatre militants d'IRA à la grille du même métal, dans la véranda des locaux de la brigade lesquels étaient dans une position qui ne leur permettait ni de pouvoir s'assoir ni de baisser les bras. La cour de la brigade contient aussi des hangars habités par une famille. Les visiteurs et membres de cette famille,  tous arabo-berbères, contemplaient les membres d'IRA dans cette position de suspension ; certains même en riaient et les invectivaient.
15.    Le 12 janvier, vers 14 heures, l'un des détenus suspendus s'évanouit. Il s'agit du Dr. Ely Ould Ravee. Bouboutt accoure pour  le détacher sans lui porter de secours médical. Vers 19 heures le soir, c'est autour du détenu ElMehdy Ould Lemrabott de perdre connaissance à son tour. Alerté, Bouboutt accoure de nouveau. C’est là que  Lehbouss Ould Omar, toujours enchainé et suspendu, sort de son silence et reproche, de vive voix, d’ailleurs, à Boubout, le traitement gratuit et inhumain qu'il est entrain d'infliger aux membres d'IRA. Enfin, Lehbouss promet de porter plainte.
16.    Bouboutt se déchaine de nouveau et les roue, tous, de coups de point et de pieds. Il réplique, en substance : « étant donné que vous comptez porter plainte, je vais durcir davantage vos conditions de détention. Et  Boubout décide de déshabiller les membres d'IRA et de les laisser seulement en culotte.
17.    Le lendemain, vendredi 13 janvier, le chef gendarme transfère, de la véranda, les quatre détenus, dans un petit magasin de 1mètre 50cm x 1m, sis à l’intérieur du bâtiment abritant la brigade.
18.     L’adjudant chef Boubout Dieng fait venir un renfort de cinq gendarmes, dirigés par l'adjudant chef Walibe Ould Bouna qui est le commandant de brigade de Twil, un arrondissement du Hodh ElGharbi. Très touché par les conditions de détentions inhumaines et difficiles des membres de IRA, L'adjudant Ould Bouna entame des négociations, mais Boubout reste intraitable.
19.    Au moment où Ely Ould Ravee et ElMehdy commençaient à s’évanouir et perdre leurs forces - sous le double effet des conditions dures de détention et de la grève de la faim - Boubout eut à craindre un possible décès de l'un ou de certains des détenus. C'est ainsi que vers 19 heures, le vendredi 13 janvier, El Mehdy perd ses forces et d’évanouit de façon répétitive.  Alerté, pour la énième fois,  Boubout panique et demande à Ahmed Ould Hamar Vall, le seul membre d'IRA qui n'est pas en détention, d'entrer pour réanimer son ami.
20.    Ahmed accepte, donne à boire à ses amis et leur fait parvenir la consigne du président d'IRA, Biram Dah ABEID : « les détenus doivent continuer la grève de la faim mais consommer de l’eau ». Les détenus ayant repris un peu de leurs forces ; Ahmed Ould Hamar, muni de son téléphone portable, prend  rapidement les deux poses photos des détenus enchaînés que nous avons diffusées et dont nous revendiquons l'authenticité. L’appareil, de fabrication chinoise, est de la marque …. c’est pourquoi ses prises virent à la couleur sépia.

G-     L’AVENIR OU LA PEUR CHANGE DE CAMP

Ainsi se sont déroulés les faits et ce jusqu’à la diffusion de ces photos sur l’internet. Quant à Boubout Dieng, il y en a des centaines et même des milliers dans les forces armées et l’appareil sécuritaire de la Mauritanie. Ce sont les gardiens dociles et zélés du système d’hégémonie ethno-tribale. L’IRA et les organisations alliées l’ajoutent donc à la longue liste des tortionnaires à juger, au jour, inévitable, de la rupture, car celui-ci viendra inexorablement. Il poindra incessant, sachant que ses signes luisent dans l’horizon.

Nouakchott, le 25 janvier 2012

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