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dimanche 18 décembre 2011

Mauritanie, la démocratie est-elle compatible avec une société dominée par l’affect et un esprit féodal. ?


     Parmi toutes les définitions de la démocratie, je retiendrai celle-ci car elle me permet de mieux illustrer ma pensée :
« La démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu'il y ait de distinctions dues la naissance, la richesse, la compétence... (principe d'égalité). En règle générale, les démocraties sont indirectes ou représentatives, le pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés lors d'élections au suffrage universel.
Il existe deux types de démocratie : la démocratie directe qui est un régime dans lequel le peuple adopte lui-même les lois et décisions importantes et choisit lui-même les agents d'exécution, et la démocratie indirecte qui est un régime dans lequel le rôle du peuple se borne à élire des représentants.
Le terme démocratie désigne un corpus de principes philosophiques et politiques suivant lequel un groupe social donné organise son fonctionnement par des règles : élaborées, décidées, mises en application et surveillées par l'ensemble des membres de ce groupe, a priori sans privilèges ni exclusion ».1
Après des années de militantisme, je n’arrivais pas à comprendre le mode de fonctionnement des organisations mauritaniennes, ce qui les animait. J’avais le sentiment d’avoir en face de moi des forces obscures que je n’arrivais pas à pénétrer. Cela m’a valu des moments de découragement et d’intenses douleurs.
Il n’y a pas plus insupportable que d’être en face de l’inexplicable quand  on cherche à comprendre. Un exemple concret pour que l’on puisse mieux saisir ce que je voudrais exprimer.    
Au sein des mouvements mauritaniens, j’ai été frappé par l’esprit d’autodestruction. Souvent, je disais aux militants que Muawiya n’avait pas besoin d’agir pour contrecarrer leurs actions car ils le faisaient à sa place.
Une autre chose m’a toujours intrigué. Dans les mouvements mauritaniens, ce n’est pas la pensée, l’action et l’efficacité qui comptent.
Avec le temps et les rencontres, j’ai compris que derrière tout cela, il y avait la  prégnance de l’affectif, l’ignorance, le féodalisme.
A l’origine de la démocratie, il y a la raison. L’Egypte ancienne, puis la Grèce ont compris l’importance de la pensée dans le bon fonctionnement de la cité. En Grèce antique, « nous sommes au pays de la raison, du logos, mot qui signifie à la fois discours et raison »2.
« Castoriadis analyse dans ses séminaires les conditions qui rendent possible la démocratie dans le cadre de la Grèce antique. Les Grecs sont les premiers à faire l'expérience du « non-sens ». Parce qu'ils ne croient pas vraiment à l'immortalité de l'âme, parce qu'ils pensent que même les dieux sont soumis à des lois plus hautes, se manifestent alors la décision et la volonté d'affronter l'abîme. Dans un monde où rien n'est assuré d'avance, il y a à faire, à penser et à dire, c'est-à-dire aussi bien à philosopher qu'à créer ses propres lois (la naissance de la philosophie et de la démocratie ont les mêmes racines selon Castoriadis) C'est parce qu'ils perçoivent le monde comme chaos que les Grecs édifient la Raison. » 3
En Mauritanie, l’affect occupe de plus en plus de place. Il ne s’agit pas d’une tradition africaine mais le résultat de la déstructuration des sociétés.
 Les sociétés africaines ont connu la démocratie bien avant la pénétration coloniale. En de nombreux lieux, la cité était gérée par le consensus et la raison. Nous rappelons que la démocratie a vu le jour en Afrique. Je ne reviendrais pas sur le débat sur le fait de savoir si ce qui se passait en Afrique était une démocratie ou pas. Je renvoie aux différents travaux qui existent déjà sur ce sujet. Et pour les esprits paresseux qui utilisent le Net, ils peuvent lire l’article relatif à l’Afrocentrisme sur Wikipédia que je  trouve assez objectif.
Ce qui s’est passé est une rupture d’historicité du fait des invasions successives sur le continent qui a fait que l’Africain  n’est plus guidé par un sens que lui-même a élaboré. Dans ces conditions, un chaos s’est installé. Ce chaos est à l’origine de la confusion qui règne.
Dans des phases de confusions et de manque de repères où la raison flache, les sentiments prennent souvent le dessus. Même dans les démocraties occidentales, ce phénomène se constate. Les mouvements d’extrêmes et populistes européens en sont le parfait exemple.
Ainsi le champ social et politique mauritanien est plus dominé par l’affect,  le relationnel que la raison, la loi, le mérite, le savoir et la compétence. Chacun peut prétendre à tout s’il a des connexions, faire de la politique sans avoir la moindre connaissance du fondement de l’Etat puisque ce sont l’affect et le relationnel qui dominent. Un Etat qui ne privilégie pas la rationalité et le mérite est voué à l’échec.
On peut ainsi comprendre pourquoi le féodalisme empoisonne la sphère politique mauritanienne. En fait ce n’est pas la raison qui est la base du fondement de l’Etat mauritanien mais le relationnel. Or en Mauritanie, on sait que la société est structurée sur la base d’un système de castes. Ce système va influer sur la sphère politique. La réalité est que la Mauritanie est une République aristocratique. Le problème de ce pays dépasse l’opposition Noirs/ Arabo-berbères. Dans la gestion du pays, les deux féodalités s’allient.
Montesquieu distinguait au sien de la République, deux systèmes de gouvernement, le régime démocratique et le régime aristocratique : lorsque, dans la République, le peuple en corps a la souveraine puissance, c’est la démocratie.4
En Mauritanie, du fait du système de castes, le peuple n’est pas « en corps ». Il y a les privilégiés héréditaires et les inférieurs héréditaires. L’esclavage était la limite de la démocratie grecque. « La démocratie se limitait seulement aux citoyens, en étaient exclus les étrangers, les femmes, les enfants et les esclaves. L’esclavage a joué un rôle essentiel dans l'épanouissement de la démocratie grecque. L'esclavage est une limite de la  démocratie et nul ne semble jamais avoir eu l'idée de l'abolir. La plupart des Athéniens possédaient au moins un esclave, ce qui rendait leur participation politique plus facile mais il n'est pas possible de dire si c'était une condition nécessaire à l'établissement de la démocratie.*
La situation de la Mauritanie, à certains égards,  est assimilable à celle de la Grèce antique par son mode de fonctionnement, car les esclavages et les castés sont exclus du système, non pas de manière légale, mais dans  les faits. En effet, le système politique mauritanien fonctionne sur la base d’un féodalisme. On ne peut donc pas parler d’une vraie démocratie en Mauritanie.
Hannah Arendt, dans son texte intitulé «Qu’est-ce que la politique ? », formule cette remarque édifiante : « Il est extrêmement difficile de prendre conscience qu’il existe un domaine où nous devons être libres, c'est-à-dire où nous ne nous sentions ni livrés à nos impulsions ni dépendants de quoi que ce soit de matériel. Il n’y a de liberté que dans l’espace intermédiaire propre à la politique. Pour échapper à cette liberté, nous nous précipitons dans la ‘‘nécessité’’ historique, ce qui est une absurdité épouvantable. »
Il y a des individus en Mauritanie qui ne sont pas libres. Or, toute vraie démocratie fonctionne sur la base de l’égalité et de la liberté des citoyens. Les citoyens en Mauritanie ne sont pas égaux et certains d’entre-deux ne sont pas libres. L’esclavage persiste et le sytème des castes influence le champ politique. Il ne peut donc pas y avoir de réelle démocratie en Mauritanie
J’ai mis du temps, par naïveté, à comprendre que même les mouvements d’opposition sont traversés par le sytème des castes qui domine la mentalité mauritanienne. Les lettrés comme les militants le reproduisent.
Les mauritaniens souffrent beaucoup de leur ignorance. Il ne suffit pas d’aller à l’école pour ne pas être ignorant. Une bonne éducation est celle qui élève. On peut avoir un doctorat et être ignorant. Les Mauritaniens ont besoin d’une bonne éducation. On sait qu’il y a une corrélation entre bonne éducation et démocratie. « Car on crée en connaissant réflexivement ce qui nous détermine ou nous influence, me semble-t-il. »6
« La démocratie étant un système politique exigeant, la marche d’un monde souvent chaotique, le progrès pour être géré et digéré sans désarroi réclame des citoyens plus d’éducation, plus de maîtrise de leurs passions, plus de connaissances générales qu’un autre système puisque ces citoyens sont amenés à participer concrètement à l’évolution du pays. Ils sont à la base de décisions importantes et vous avez vous-même parlé d’utopie démocratique pour souligner à quel point la confiance en un homme éduqué était centrale. Or on a vu que la maîtrise des progrès techniques demande de la part des gens une réflexion plus nourrie, une culture plus solide. C’est le rôle de l’école d’assurer cette culture de base à tous les enfants. »7
Oumar Diagne
Ecrivain
Le 18 /12/ 2011




1(Sources : Livre d'option science politique ; http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie.htm)
2La démocratie athénienne  Miroir de la nôtre par Jacques Dufresne Bibliothèque de L'Agora, 1994
Hannah Arendt Qu'est-ce que la politique ? Poche, Hannah, p. 42-43)
4(Sources : Livre d'option science politique ; http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie.htm)
Qu’est-ce que la politique ?
6 A propos de Carl Schmitt et de Hannah Arendt. / Samedi, 12 avril 2003 Zarifian, Philippe in      http://multitudes.samizdat.net/Qu’est-ce que la politique ?
7  Pascal Couchepin. Je crois à l’action politique. Entretiens avec Jean Romain
            L’Age d’Homme, Lausanne, 2002, pp. 113 à 119

1 commentaire:

  1. J'amais je n'ai quelcun à mon sens qui à compris la Mauritanie . il a resumé la Mauritanie et exactement la Mauritanie . " Il ne suffit pas d'avoir un doctaurat pour etre intelectuelle : bien ediqué " . il ne suffit pas aussi d'apprendre le corant pour etre un musulman aussi ; heureusement j'ai connu l'islam avant de connaitre les musulmans disait un grand intelectuel . Je te bien compris , quant tu compares ce pays a la Grece antique ; voici un systeme plus grave que l'appartaide , car l'appartaide etait un systeme legalisé donc connu de tous et on la combatu . Alors que le systeme Mauritanien seuls les mauritaniens le connaisse . la magniere la plus cruelle qu'un musulman puisse ifligé à un autre musulman . Si Allah existe , si le Prophete est vrais , si l'Isman est vrais , au nom d'Allah qu'ils libere tous ces hommes et femmes . La vie des noirs en Mauritanie est plus pure que celle des Palestiniens . Allah Akbar . . .

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