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jeudi 11 août 2011

Mauritanie : Ould Aziz hypothèque les chances d’une Mauritanie nouvelle


 

Des militants anti-esclavagistes arrêtés et devant comparaître devant la justice, des milliers de mauritaniens qui vont être privés de leurs droits de citoyen, un Etat peu enclin à agir pour les pauvres et complice du vol des terres agricoles et de la marchandisation des eaux territoriales, un Etat malintentionné et qui refuse le dialogue avec l’opposition et les syndicats et enfin un Etat en guerre contre Al Qaïda. Tels sont les principaux enseignements que l’on peut tirer de la dernière prestation médiatique du président mauritanien. A deux ans de son mandat, Ould Aziz dévoile son véritable visage, une main de fer dans un gant de velours. Pour les observateurs, cette gouvernance déficiente hypothèque l’avenir du pays.


C’est un secret de Polichinelle. Depuis  1978 la Mauritanie vit des convulsions politiques nées de coups de force. Cette gouvernance militaire a  forgé de nouvelles dispositions politiques qui continuent de freiner le progrès social et de brimer les libertés fondamentales. Il faudra attendre 1991 pour que le régime de Ould Taya accouche d’  une constitution  qui n’a jamais cessé d’être décriée par l’opposition et par tous les militants des droits de l’homme. Ce sont ces mêmes dispositions qui sont aujourd’hui en vigueur malgré une promesse du nouveau locataire de Nouakchott de les réviser. Comme ses prédécesseurs Ould Aziz camoufle ainsi cette dictature sous les habits d’une démocratie en se faisant élire en juillet 2009. Le contexte politique actuel est révélateur de cette mal gouvernance. Actualité oblige. L’exemple des neufs militants anti-esclavagistes agressés, arrêtés cette semaine avant de comparaître prochainement devant la cour correctionnelle de Nouakchott  pour avoir dénoncé un cas d’esclavage d’une fillette de 10 ans constitue un cas flagrant de violation des droits de l’homme et la volonté de la puissance publique de pérenniser un système vieux comme le monde. Et pire c’est le président lui-même qui accuse sans détour d’agresseurs ces activistes haratins alors que l’affaire est en jugement. Et comme si cela ne suffisait pas il nie l’existence de l’esclavage dans son propre pays. C’est un coup dur porté à l’IRA-Mauritanie  et en particulier à son président Biram Ould Abeid qui a promis de donner plus de la voix les jours à venir. Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat se place au dessus des lois. Dès les premiers mois de sa prise de fonction Ould Aziz a enfourché un cheval de bataille sous le vocable lutte contre la gabegie et la corruption. Des têtes sont tombées comme les hommes d’affaires et chefs d’entreprise les plus puissants du pays ainsi que des hauts cadres de l’administration et des entreprises publiques et para publiques . Et pour mieux renflouer les caisses de l’Etat il va se rendre discrètement complice du vol des terres. C’est ainsi que le président des pauvres aurait  signé un décret pour brader les terres agricoles du Sud aux investisseurs arabes notamment faisant fi totalement aux intérêts de ces populations qui n’ont que trop souffert des dures conditions climatiques et des évènements de 89. Le fil conducteur de cette initiative est de  combler  le trou abyssal du trésor public. La pêche et les sociétés d’économie mixte sont dans le collimateur comme en témoignent des entreprises publiques  cédées à des personnes ou à des tribus ou à des régions. Il l’a reconnu publiquement lors de sa prestation médiatique cette semaine qu’il est intervenu personnellement en faveur de la société nationale ATTM pour déjouer la concurrence déloyale d’une entreprise étrangère. Un mea culpa qui ne fait que confirmer son ingérence dans la gestion des affaires publiques dont les retombées négatives pèsent sur des sociétés comme la Sonimex et la Somelec qui accusent des déficits énormes respectivement 19 milliards d’ouguiya et 35 milliards d’ouguiya. Cette gabegie fait tourner la tête de l’opposition qui n’a toujours pas de réponse sur les 50 millions de dollars, un don de l’Arabie saoudite à la Mauritanie envolé comme par magie. Dans la foulée c’est la marchandisation des eaux territoriales qui inquiète les mauritaniens et au de-là les partenaires traditionnels et gros investisseurs du pays comme l’Union européenne. Il y’a quelques mois, la Mauritanie a signé un accord de pêche  de 25 ans avec la société chinoise Poly-Hondone Pelagic Fishey qui porte sur l’exploitation de stocks de petits pélagiques. Auparavant le chef de l’Etat avait autorisé un mastodonte flottant chinois « Lafayette » à pêcher aux larges de Nouadhibou par chalutage en bœuf une technique de pêche pourtant interdite en Mauritanie et dans les autres pays du monde qui peut racler tout le fond marin. Ce bateau usine a une capacité de tonnage qui défie toute concurrence avec 300 000 tonnes par an l’équivalent de la production mauritanienne et celle de toutes les captures de tous les navires de l’UE. Cette façon autoritaire de gouverner pose bien entendu des problèmes de gouvernance démocratique. La réforme de l’Etat civil ou la révolution biométrique de la nationalité mauritanienne s’est révélée comme un cauchemar pour les populations victimes d’une discrimination notamment tous les mauritaniens qui sont nés à l’étranger ou dont l’un des parents est étranger. Malgré la gravité de la situation le chef de l’Etat s’est contenté de soutenir son administration au lieu d’en corriger les couacs. Cette stratégie pour remédier à l’impuissance de l’Etat et à la faiblesse des institutions porte préjudice à la gouvernance démocratique. En effet, depuis deux ans Ould Aziz joue le chat et la souris avec l’opposition pour faire avancer ses réformes .Les pourparlers achoppent sur les accords de Dakar qui stipulaient l’élaboration et l’adoption de réformes constitutionnelles. Ce que refuse le président qui sait que c’est son trône qui est en jeu. Pour la petite histoire, l’enterrement de ce dialogue inclusif a été effectif lors du fameux meeting d’Arafat en 2009. L’Etat mauritanien continue de fonctionner  à partir d’un logiciel obsolète et de dispositions héritées des coups d’Etat. Autrement dit comme une dictature militaire reléguant au second plan les libertés fondamentales avec une mainmise sur les ondes. La télévision nationale comme Radio Mauritanie continuent de censurer les hommes politiques comme en témoignent récemment l’interruption d’une émission télévisée qui critiquait le chef de l’Etat et les propos du leader AJMD Ibrahima Sarr qui fustigeaient l’esclavage. La chape de plomb ne semble pas être levé malgré les réformes de libéralisation de l’audiovisuel adoptées par le parlement. Ould Aziz a donc tout faux y compris sa guerre contre l’Aqmi. De plus en plus des combattants mauritaniens et maliens  rejoignent le camp de la nébuleuse Al Qaïda au moment où les autorités maliennes annoncent le retour des barbus dans la forêt de Wagadu. Et la bonne nouvelle pour les 36 repentis salafistes qui viennent de bénéficier d’un prêt de 3 millions d’ouguiya chacun grâce à l’Agence de Caisse d’Epargne et de crédits ainsi que le soutien de l’Agence Nationale pour la Promotion des Jeunes. A ce rythme de pokers menteurs, les élections législatives et municipales d’octobre prochain risquent d’être une simple formalité pour le président des « nouveaux riches ».

Yaya KANE

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