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dimanche 24 octobre 2010

Interview avec Kaaw Touré, Porte-parole des FLAM

Interview avec Kaaw Touré, Porte-parole des FLAM

Kaaw Touré est originaire de Djéol au Gorgol. Il est le Porte-parole des Forces de Libération des Africains de Mauritanie (FLAM), un mouvement né le 14 mars 1983 après la fusion de quatre mouvements : L'UDM (union démocratique mauritanienne) , le MPAM (mouvement populaire africain de Mauritanie), L'ODINAM (organisation pour la défense des intérêts des négro-africains de Mauritanie et le MEEN (mouvement élèves et étudiants noirs). Arrêté en 1986 et condamné suite à la publication du manifeste du Négro-mauritanien opprimé qui fait de lui le premier plus jeune prisonnier politique mauritanien. Poursuivi en 1987 après l´exécution des 3 officiers noirs pour avoir dirigé des soulèvements scolaires à Kaédi et s´exile au Sénégal. Kaaw Touré est aussi ancien Porte-parole des réfugiés mauritaniens au Sénégal d'où il fut expulsé en juillet 1999 suite à des pressions diplomatiques du Gouvernement mauritanien. La Suède l´ accueillera depuis comme réfugié politique, avec statut de résident permanent. Kaaw Touré est par ailleurs le rédacteur en chef du "FLAMBEAU", le journal des FLAM, et webmaster de "FLAMNET", le site officiel des FLAM. A l'occasion du cinquantenaire et dans le cadre d'une série de dossiers que le Rénovateur prépare, notre journal l'a interrogé :

Le Rénovateur : Monsieur Kaaw Touré, les forces de libération des africains de Mauritanie les ( Flam) dont les dirigeants sont à l'étranger ont -elles un bilan à présenter après des années passées dans la clandestinité ?


Kaaw Touré : Permettez-moi, avant tout, de corriger certains des termes de votre question, de dire en l'occurrence que la dénomination exacte de notre Organisation est bien " Les Forces de libération africaines de Mauritanie" et non les "Forces de libération des africains de Mauritanie", ensuite de préciser que nous ne sommes plus en clandestinité depuis notre 3ème congrès tenu en janvier 1990 à Dakar; il est vrai cependant que nous n'avons pas encore estimé opportun d'intégrer le processus démocratique national. Ceci dit, sans forfanterie je ne sais pas si les pages de votre journal suffiraient pour le bilan des FLAM, mais on peut résumer l'essentiel. Les Flam se portent bien et ont un bilan satisfaisant à présenter au peuple mauritanien.

D´abord un record de longévité, plus de 28 ans d´existence, de résistance et de constance. Nous n ´avons pas été récupérés, ni aplatis, ni réduits au silence malgré toutes les épreuves subies, prisons, tortures, assassinats, bannissement, déportations et exil forcé de nos militants et sympathisants. C´est une prouesse inédite dans le paysage politique de notre pays. Il nous a fallu beaucoup de détermination et une foi inébranlable en la justesse de notre combat pour parvenir à résister pendant si longtemps aux défis de l´exil et aux assauts et manoeuvres du pouvoir. Nous avons été les premiers à prendre en charge la question nationale et cela nous a valu la diabolisation et d´être victimes de la terreur intellectuelle et militaro-policière des tenants du Système et de leurs valets. On nous a accusés d'être des "nationalistes étroits", des "ennemis" de la Mauritanie, ou "d´être à la solde de puissances étrangères" parce que nous dénoncions le racisme d´ État érigé en Système de gestion du pays. Nous avons théorisé la question nationale et sociale à travers le Manifeste du Négro-mauritanien opprimé et mobilisé l´opinion nationale et internationale autour de la Question. Nous avons rompu le mur du silence qui entourait cette politique d´apartheid, de discrimination raciale menée contre les Négro-mauritaniens et l´esclavage. Par l´action médiatique et diplomatique, nous avons réussi à faire échec aux régimes dans leurs tentatives d´étouffer le problème noir. A l'intérieur, nous avons contribué à l'éveil des consciences des communautés opprimées, les Negro-africains et les Harratines, et suscité ainsi le débat sur la question centrale, hier taboue.
Grâce à notre campagne internationale, nous avons sauvé la vie de certains de nos camarades détenus dans la prison mouroir d'Oualata. Pendant les déportations, nous avons accueilli, soutenu et encadré les déportés, cherché des projets, des financements, parrainé des élèves et étudiants, des GIE, des cases de santé, des écoles dans les camps sans tambours ni trompettes. Grâce à cet encadrement, les réfugiés ont résisté aux chants de sirènes, déjoué des complots et maintenu la tension du retour jusqu´à la reconnaissance effective par les autorités nationales de leur « mauritanité » et le droit au retour. Grâce à notre action et au prix de la vie de plusieurs de nos membres, nous avons rendu aujourd´hui la contestation du pouvoir possible. Cela est en soi une victoire. Ainsi, l´on assiste toutes ces dernières années à l´émergence de mouvements et de formes de contestation dont la plupart se reconnaissent dans notre action et discours, s´ils ne se référent pas directement à nous.


Le Rénovateur : A la veille du cinquantenaire de l'indépendance, quelle appréciation fait cette organisation de l'évolution politique de la Mauritanie par rapport à la cause que vous défendez et les revendications que vous posez ?


K.T. : Nous allons revenir prochainement sur cette question dans un document spécial prévu à l´occasion de notre demi-siècle d´indépendance sur cette question ; Concernant la question principale qui nous tient à coeur, à savoir le problème de la cohabitation, je dis que je ne perçois pas d´évolution notable sur le partage du pouvoir et le problème de l´identité du pays et la question de l´esclavage.

Le Rénovateur : Quelle place occupe encore ce mouvement dans le contexte actuel de démocratisation du pays ?

K.T. : Nous avons revendiqué la démocratie en Mauritanie avant tout le monde en exigeant, depuis des décennies, une égalité de droits et de devoirs pour tous les citoyens. Notre combat consiste non seulement à dénoncer des oppressions culturelles, économiques et politiques réelles, mais aussi à proposer des solutions alternatives qui renforcent la culture démocratique en réconciliant la Mauritanie avec sa vraie identité. Ce combat est actuel. Nous assistons à une démocratie de façade parce que biaisée, dans ses fondements injustes. Comment parler de démocratie là où il y a déni de citoyenneté pour les Négro-africains et déni d´humanité pour les Haratines/esclaves?
Voilà pourquoi nous ne nous satisfaisons pas d´une démocratie qui se résume au rituel des élections, et pour laquelle du reste la majorité noire est laissée pour compte.


Le Rénovateur : D'ailleurs estimez-vous que quelque chose a changé que vous pouviez considérer que c'est un acquis à préserver ?

K.T. : Pour nous, l´acquis principal est la prise de conscience d´opprimé au niveau de nos populations. Une aspiration nationale plus forte pour le jeu démocratique, fut-elle quelque peu biaisée; La forte mobilisation de l´opinion publique nationale progressiste contre le coup de force d´Août 2008 en est une illustration. On peut espérer que l´ère des dictatures est révolue!

Le Rénovateur : Après l'élection de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, les mouvements en exil avaient été invités à regagner le pays; certaines figures du mouvement sont revenus et ont même participé aux journées de concertation nationales cela engage -t-il les autres comme vous ?

K.T. : Si vous parlez de nos ex-camarades dissidents des FLAM, vous connaissez les conditions dans lesquelles ils sont rentrés au pays, donc leur présence ne peut évidemment engager le mouvement. Si par contre vous faites référence aux journées de concertation sur les réfugiés et le passif humanitaire engagées sous le magistère du président Sidi Ould Cheikh Abdallah, les camarades qui ont assisté à ces journées étaient les délégués des déportés et ils sont allés porter la parole de la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali. N´oubliez pas qu´avant ces journées de concertation un travail de contact avait été fait à travers la rencontre de New-York entre le président des Flam et le président Sidi mais surtout la visite dans les camps d´une délégation ministérielle conduite à l´époque par le Secrétaire général de la présidence et le ministre de l´intérieur. Nous avions donné pendant ces rencontres nos avis et posé nos conditions avant tout retour officiel au pays.


Le Rénovateur : En d'autres termes êtes-vous prêts à abandonner la lutte si un dialogue avec l'actuel pouvoir devenait concluant?

K.T. : Abandonner la lutte ? On n'abandonne pas une lutte car c´est un devoir; on n'abandonne pas un devoir! Vous voulez peut-être dire quitter l´exil? Cela peut et doit-être envisagé! Maintenant si le dialogue devenait concluant comme vous dites par rapport au problème de la cohabitation et du partage du pouvoir, ce serait une bonne chose mais nous ne tournerions qu´une page comme en Afrique du Sud. Nous aborderions alors une autre phase de lutte, à savoir celle du développement, de la bonne gouvernance et surtout celle pour l´ancrage de la démocratie dans notre pays.


Le Rénovateur : Aujourd'hui, il y a une sorte d'émiettement des forces contestatrices en exil, les Flam sont-elles encore à la pointe du combat suite aux dissensions intervenues dans leurs rangs pour des raisons multiples ?


K.T. : On ne le dira jamais assez, la vie d'une Organisation, qui se veut de surcroît mouvement de libération, est souvent heurtée. Elle ressemble quelque peu à la marche d'un train, comme dirait l'autre; à chaque gare il y a des passagers qui montent et d'autres qui descendent. La dissension dont vous parlez n´est qu´un vieux souvenir pour nous. Vous savez que les raisons des départs, quelque fois douloureux, varient, ici et là. La lassitude d'un voyage qui dure, qui dure et qu'on avait espéré plus court, a souvent raison de la résistance du combattant de la liberté. Cela dit nous ne pouvons que déplorer cet émiettement. Nous travaillons à fédérer ces forces.


Le Rénovateur : On accuse certains leaders de cette organisation d'instrumentaliser la cause noire. Que répondriez- vous ?


K.T. : Quels leaders, et de quelle organisation? Soyez précis!


Le Rénovateur : Le retour des refugiés, le passif humanitaire, la cohabitation intercommunautaire, les langues nationales quel regard portez-vous sur toute cette thématique ? L'actuel pouvoir vous inspire-t-il confiance et seriez-vous disposés à le rencontrer étant entendu qu'il y a une autre aile des Flam qui la fait ?

KT: Je crois avoir déjà répondu à une bonne partie de cette question mais je rappelle simplement que ces thématiques ont été et restent d'abord les nôtres, qu'elles soient reprises par les médias, comme vous le faites ici, ou par des formations politiques, nous ne pouvons que nous en féliciter; cela est aussi un de nos acquis. Encore une fois, l'action de nos anciens camarades n'engageaient qu'eux ! Il n'existe plus, à notre connaissance, une "autre aile". Les Flam sont entières et uniques. Les ex-camarades dont vous parlez n´existent plus en tant que Flam, certains ont rejoint le parti au pouvoir et sa mouvance, d´autres l´AJD/MR ou ont complètement baissé les bras et abandonné la lutte. Il n´existe que Les FLAM authentiques qui sont dirigées par le Président Samba Thiam Cela dit, nous restons toujours ouverts aux rencontres avec ceux qui nous gouvernent, dans un souci de dialogue autour des questions d'intérêt national. Le dialogue a toujours été notre crédo, et cela depuis l´appel du Manifeste du Négro-mauritanien opprimé de 1986 qui exprime nos positions de principes.


Le Rénovateur : La lutte continue, c'est votre crédo jusqu'à quand ?


K.T. : La lutte continue, c´est plus qu´un slogan, c'est une profession de foi, un appel au courage et à la persévérance. Un hymne à la résistance et un chant de rédemption jusqu´à l´éradication et l´extinction de toute forme d´injustice et de discrimination en Mauritanie. La lutte continue est aussi et surtout un cri de ralliement de tous les combattants de la liberté.

Propos recueillis par Cheikh Tidiane Dia

LE RÉNOVATEUR QUOTIDIEN du dimanche 24 octobre 2010.

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2 commentaires:

  1. un beau voyage au coeur de la liberté

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  2. Stop the bullshit! You know that the government is and will not launch a dialogue with a racist gang of criminals like FLAM. You can come back to Mauritania or stay where you are now, licking the boots of the French in your "exile", but none of this can change the fact that you are bunch of ideological mercenaries who represent nobody inside or outside Mauritania. People of your kind have only one place to go to, i.e. jail to rot in for life. Period.

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